Préhistoire de l’État d’Israël
L’État d’Israël a été officiellement proclamé le 14 mai 1948. Sa « préhistoire » remonte cependant à près de deux mille ans. C’est ce que nous démontre l’ouvrage de Paul Giniewski qui raconte avec une très grande précision les tentatives, les échecs, les soubresauts et les réussites de vingt siècles de luttes menées par la communauté juive. Ce long combat s’est appuyé sur le sionisme, que les spécialistes présentent comme une idéologie et un mouvement politique ayant pour objectif de donner un État au peuple juif dispersé sur toute la planète. L’esquisse de ce concept a été établie au milieu du XIXe siècle par le Suisse Henri Dunant. Dans son action, le fondateur de la Croix-Rouge était mû par des idéaux humanitaires. Il se fit le champion de la mise en valeur de la Palestine et des pays avoisinants par la présence de gens estimables et plus particulièrement de juifs. Selon ce grand humaniste, les instruments en seraient une société universelle pour la rénovation de l’Orient et une société pour la colonisation de la Syrie et de la Palestine.
Le sionisme est toutefois devenu une véritable entreprise politique sous l’impulsion de Theodor Herzl (1860-1904). Cet écrivain hongrois d’expression allemande exposa la doctrine qui le rendit célèbre dans son livre : L’État des Juifs : tentative de solution moderne (1896). Cet intellectuel engagé considérait que l’affirmation de l’identité de sa communauté, confrontée à une vague d’antisémitisme, devait se régler par l’établissement d’une souveraineté juive sur un territoire. Les fondements de sa pensée furent débattus pour la première fois en public lors du congrès sioniste de Bâle au mois d’août 1897. C’est à cette occasion que furent définis les principes pour la création d’un foyer juif en Palestine garanti en droit public. Theodor Herzl envisagea par la suite l’implantation d’une souveraineté juive sur un autre territoire. Des possibilités d’installation furent examinées en Ouganda, au Mozambique, au Kenya, puis en Argentine. Le choix de la Palestine fut finalement entériné par la fameuse déclaration du ministre des Affaires étrangères britannique, Arthur James Balfour (novembre 1917), qui recommandait l’établissement en Palestine d’un foyer national juif… étant clairement entendu que rien ne serait fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine, ainsi qu’aux droits et au statut politique dont les juifs pourraient jouir dans tout autre pays.
La déclaration Balfour a stimulé un flux migratoire important vers cette région controversée qui est rapidement devenue un modèle de développement. S’appuyant sur l’exemple de la Suisse, un autre petit pays démuni de ressources naturelles, mais ayant atteint un haut degré de productivité, les planificateurs de la nouvelle économie palestinienne dotèrent le futur État hébreu d’usines de textile, de produits chimiques et pharmaceutiques, d’ateliers de taille du diamant fondés par des spécialistes de Belgique et de Hollande. Les résultats les plus élogieux furent cependant atteints dans le secteur primaire. Avant la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture sioniste produisait ainsi 65 % des agrumes de toute la Palestine. Les juifs avaient inauguré l’organisation coopérative des planteurs, entamé la prospection des marchés, mis en valeur des terres en friche et surtout amélioré les rendements par l’utilisation d’engrais, de tracteurs et de dispositifs d’irrigation particulièrement judicieux. Le plus vigoureux des traits culturels concerna la renaissance de l’hébreu, qui fut adopté spontanément par les vagues successives d’immigrants : il supplanta rapidement le yiddish des Occidentaux et le ladino des juifs d’origine séfarade. Encouragée par un réseau d’écoles et de cours pour adultes, la langue de la Bible fut ensuite remodelée pour s’adapter à l’usage moderne. L’étude de Paul Giniewski confirme ainsi les thèses en faveur d’Israël. L’auteur est d’ailleurs l’un des grands spécialistes de l’État hébreu ; il a en effet publié de nombreux ouvrages sur la nation juive (Le Bouclier de David, De Massada à Beyrouth, Être Israël, La Croix des Juifs, etc.). Son dernier livre constitue sans aucun doute un nouveau document de référence sur cette « terre trop promise, et par conséquent vouée aux contradictions et aux conflits nés d’espérances et de droits inconciliables ». ♦