Vivre avec l’islam – Réflexions chrétiennes sur la religion de Mahomet
Ce livre va faire hurler. C’est un gros pavé dans la mare de ce qu’Annie Laurent appelle « l’islamiquement correct ». L’intention est salutaire. Elle est clairement annoncée en sous-titre. Sept religieux catholiques, trois islamologues, quatre professeurs, un général (Maurice Faivre), ont apporté leurs contributions à l’ouvrage. Parmi les islamologues, la caution de Roger Arnaldez, membre de l’Institut, est précieuse. Un musulman converti au catholicisme signe un témoignage d’une grande beauté.
Annie Laurent rappelle que le concile Vatican II a reconnu l’islam comme le troisième monothéisme et encouragé les chrétiens au dialogue. Nombre de ceux-ci se sont enthousiasmés pour cette ouverture. Ils y ont été précédés par quelques prêtres qui, aveuglés de charité, présentent de l’islam une version tronquée, édulcorée, idéalisée. Du dialogue à « l’indifférentisme » il n’y a qu’un pas, souvent franchi. Cependant que l’expansion de l’islam reste pour les musulmans le but patiemment poursuivi — qui les en blâmerait ? —, le prosélytisme est, pour ces chrétiens trop doux, le péché majeur. Devant cette discrétion, qu’il nomme lâcheté, il faut entendre le cri de colère du nouveau converti.
Les spécialistes qu’Annie Laurent a réunis, spécialistes en islam et en spiritualité chrétienne, mettent les points sur les I, rappelant des évidences aujourd’hui occultées. On se plaît à faire d’Abraham le père des trois monothéismes ; l’Abraham du Coran n’est pas celui de la Bible. Violence et légalisme sont présents dans la Torah comme dans le Coran ; on n’en trouve pas trace dans l’Évangile. Dieu est amour, telle est, pour Roger Arnaldez qui s’exprime en analyste froid, la vérité du message chrétien, son « originalité absolue ». À quoi le père Marie-Dominique Philippe ajoute Jésus sauveur du monde, proposition de nature à scandaliser les disciples du Prophète. C’est que l’amour du Dieu des chrétiens n’est pas réductible, quoi qu’on en pense, à la miséricorde du Rahmân des musulmans.
Ainsi tout est dit. Sans doute nos « dérives permissives » brouillent-elles beaucoup les comparaisons, apportant de l’eau au moulin des islamistes. Luc Ferry (1) suggère que le message chrétien a si bien réussi qu’on peut désormais oublier le messager. Les musulmans n’ont pas oublié le leur.
Qu’on ne se méprenne pas, ce recueil n’est pas une œuvre sectaire, un brûlot de combat. On en donnera pour preuve le texte où Philippe Conrad, professeur dans un lycée de la région parisienne, traite du voile islamique : c’est, sur un petit problème qui soulève de grandes passions, un modèle d’objectivité. Le dialogue islamo-chrétien est le thème central du livre. Le père Michel Barakat, vicaire général du diocèse grec-catholique de Baalbeck, en fixe les limites : « Il faut aimer les musulmans tels qu’ils sont, sans pour autant aimer l’erreur qu’est l’islam ». ♦
(1) Parmi les livres : « L’amour et l’Occident » ; Défense Nationale, août-septembre 1996.