Mettre en perspective les corrélations historiques et économiques entre la guerre et l’économie de défense, analyser les dépenses de défense faites en Europe, c’est se donner les moyens de prendre la mesure de ce secteur de la dépense publique qui doit pratiquer des coopérations compétitives et satisfaire des impératifs tant opérationnels que politiques. Politique britannique de défense : les défis pour l’économie de la défense
Crise économique et économie de la défense
The Economic Crisis and the Defence Economy
Putting into perspective the historic and economic correlations between war and defense economy, the author here analyzes the costs of defense in Europe and gives the means by which to measure the sector of public expenditure that should allow for the practice of competitive cooperation that will meet both operational and political imperatives.
Depuis les années 1980, la défense est progressivement devenue, pour les économistes, d’abord aux États-Unis puis en Europe et maintenant dans l’ensemble du monde, un champ d’études particulier au même titre, par exemple, que la santé. Les nombreux travaux accumulés depuis cette période ont permis de dégager la nature des liens étroits, mais souvent complexes, existant entre le secteur de la défense et l’activité économique nationale et internationale. Plusieurs spécificités économiques du secteur de la défense ont ainsi été mises en évidence. Jamais pourtant, depuis l’apparition de cette économie de la défense, le monde occidental, et singulièrement l’Europe, n’avait traversé une crise de l’ampleur de celle que nous connaissons aujourd’hui. Il en résulte des interrogations inédites et de nouvelles perspectives à explorer pour les chercheurs qui travaillent dans ce domaine.
C’est à un premier repérage de ces questions, à la lumière des concepts et des hypothèses forgés par l’analyse économique des activités de défense, qu’est consacrée cette contribution. Nous examinerons successivement : les informations susceptibles d’être tirées de l’histoire et leurs limites ; le rôle singulier joué par les budgets de défense dans les dépenses publiques ; la place déterminante occupée par le secteur de l’armement dans les dynamiques industrielles ; avant d’esquisser, en conclusion, quelques réflexions prospectives sur leurs incidences géopolitiques et stratégiques.
Les messages contradictoires de l’histoire
Depuis les célèbres travaux de Kondratieff et ceux, moins connus, de Spiethoff, sur les cycles longs en économie, plusieurs historiens de l’économie ont eu l’occasion de se pencher sur les relations entre les cycles économiques et les guerres. Ils ont, de manière assez générale, validé l’hypothèse de Kondratieff, selon laquelle les guerres sont plus nombreuses et d’intensités plus fortes durant les phases ascendantes, que durant les phases descendantes des cycles économiques de longue période, surtout dans la seconde partie des phases ascendantes. En phase ascendante, la croissance favorise les innovations et les transformations de toute sorte. Elle s’accompagne, le plus souvent, d’une augmentation des dépenses publiques, en particulier, des budgets militaires. On peut, dès lors, soutenir, au moins dans une perspective d’histoire longue, que les dépenses militaires qui précèdent et financent les guerres tout à la fois participent directement aux dynamiques de croissance et contribuent à peser significativement sur l’endettement des États. Elles auraient donc un double effet économique, stimulant pour l’investissement – grâce aux commandes publiques du secteur militaire – mais déséquilibrant pour les finances publiques, principalement dans le cas de guerres ou d’opérations extérieures prolongées. Le dilemme auquel conduit ce constat a donné lieu à un pamphlet au titre provocateur La Paix indésirable ?, paru aux États-Unis à la fin des années 1960. Ses auteurs y expliquaient l’intérêt, pour le soutien de l’activité économique, de maintenir des dépenses destinées à la préparation de guerres, à condition, bien sûr, que ces guerres n’aient jamais lieu (1). On peut ainsi l’entendre comme un argumentaire économique en faveur de la dissuasion stratégique entendue au sens large.
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