Se poser la question de l’impact économique de la R&T de défense, c’est prendre la mesure, non pas tant de la dualité de la technologie de défense que de son utilité qui est foncièrement stratégique et qui témoigne de la place centrale qu’occupe dans l’autorité militaire d’un pays, sa base industrielle de défense.
La R&T de défense : entre économie et stratégie ?
The Research & Technology of Defense: Between Economics and Strategy?
By proposing the question of the impact of Defense R&T a measure is taken, not one so much for the duality of defense technology, whose greatest use is fundamentally strategic, but one which reflects the central place occupied by the military authorities of nations: their military industrial base.
Il y a peu de temps, nous exposions dans une tribune publiée par cette revue (1) quelques notions destinées à rétablir des bases de réflexion saines sur la question sans cesse débattue – sans doute parce que profondément ignorée, du moins en France – de l’impact des dépenses de défense sur la croissance. La présente livraison de la revue nous donne l’occasion de revenir plus particulièrement sur l’impact d’une partie, faible, mais ô combien sensible, de ces dépenses, celle concernant la recherche. Nous disons « faible », puisque pour notre pays, qui est pourtant l’un des rares (2) pays européens à y consacrer des ressources encore significatives, ces dépenses ne représentent que de l’ordre de 5 % à 10 % de l’ensemble de l’investissement public de défense : typiquement entre 700 millions et 1,6 milliard d’euros par an, selon l’étendue du périmètre retenu pour la définition de la Recherche et Technologie (R&T), dont l’acception varie selon les pays. Mais aussi « sensible » pour notre pays qui voit, à juste titre, dans l’investissement en recherche une des clés de son développement futur et en fait donc un enjeu politique. Il n’est point de gouvernement qui, lors de son arrivée aux affaires, ne place la recherche en général au rang des grandes priorités de l’État ; il n’est pas non plus de délégué général pour l’armement qui ne fasse du niveau de financement des « études amont » un objectif essentiel de son action. Le sujet est abordé à l’occasion de rapports nombreux, que ce soit les exercices de type « technologies clés » régulièrement remis à jour ou de rapports parlementaires (3).
Quel est l’impact économique de la dépense
de R&T de défense ?
Commençons par une constatation nécessaire : on ne sait pas vraiment de quoi on parle quand on pose la question de manière aussi brute. S’agit-il des dépenses de R&T financées par l’État via le budget du ministère de la Défense ? Mais ces dépenses contiennent aussi une part « duale » (subvention à l’Onera ou au CEA, par exemple…). Existe-t-il d’ailleurs une catégorie « R&T de défense » par nature ? On sait que la recherche est réputée d’autant plus duale et moins spécifique qu’on descend dans les bas niveaux de TRL (4).
Du reste, nous vivons depuis le milieu des années 1990 en France, et plus généralement en Europe, sous le dogme du « C’est désormais le civil qui mène, la Défense suit ». La R&T « de défense » ne peut donc être qu’artificiellement limitée à celle qui est directement financée par le ministère éponyme. Faudrait-il pour autant tenter d’y incorporer la part des recherches civiles qui trouvent une application plus ou moins directe dans la défense, moyennant un investissement limité de celle-ci ? Ce serait illusoire. La nature de la question ou plutôt son intention conduisent à s’intéresser à ces dépenses de R&T que la Défense conserve à sa charge, soit dans des domaines spécifiques non explorés par la recherche « civile » (armes nucléaires, furtivité, cryptologie…), soit pour s’assurer un accès possible ou privilégié à certains domaines de recherche civils qui l’intéressent, mais qu’elle ne souhaite pas – ou ne peut pas – mener elle-même.
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