La nouvelle distribution du pouvoir chinois issue du récent congrès du parti communiste chinois pourrait traduire une forme de retrait de l’esprit de réforme d’un pays dont la puissance irrésistible inquiète autant à l’intérieur une société avide de progrès, qu’à l’extérieur des voisins inquiets de son débordement et enfin les États-Unis, partenaire économique obligé mais aussi arbitre imposé de la région.
Les stratégies chinoises après le 18e Congrès
The Chinese Strategy after the 18th Congress
The new distribution of Chinese power after the recent congress of the Communist Party could translate into a form of retreat from the spirit of reform of a nation whose irresistible power concerns both internally a society eager to progress, and externally with neighbors worried about their misbehavior—especially the United States, an economic partner, but also a forced arbitrator imposed on the region.
Le 15 novembre dernier, au terme d’une année catastrophique, marquée par la plus retentissante crise politique depuis 1989 et les révélations sur la corruption et l’arbitraire du régime, le Parti communiste chinois a fait entériner par son 18e Congrès un nouveau « Comité permanent », dont les personnalités, plutôt âgées et désignées dans le secret, ont une histoire qui tourne le dos aux réformes politiques. Ce coup de frein potentiel à l’ouverture survient alors même qu’en interne, chercheurs, journalistes et hommes politiques, conscients des défis socio-économiques, enracinés dans l’urbanisation massive et la mutation rapide de la société, appelaient à plus de transparence, plus d’indépendance de la justice et plus de responsabilité du pouvoir devant les assemblées locales et nationales. Pour beaucoup d’experts chinois, la situation, proche d’une crise de régime, exige en effet des ajustements politiques majeurs, conditions nécessaires à la refonte d’un schéma de développement qui s’essouffle.
Pourtant, la composition du nouvel exécutif suprême laisse entendre que, même s’il annonce le contraire, le Parti continuera, au moins d’ici 2017, à asseoir le développement sur l’innovation encadrée et dirigée d’en haut ainsi que sur les anciennes recettes de l’export et de la relance par l’investissement. Il tentera dans le même temps d’esquiver les réformes politiques de fond qui menacent sa pérennité à la tête du pays, en cherchant, à l’occasion, des boucs émissaires à l’extérieur.
À cet effet, il sera tenté d’attiser les sentiments nationalistes, nourris à la fois des succès socio-économiques incontestables des trente dernières années et de l’ancienne phobie de l’encerclement stratégique, attisée par la récente annonce de la bascule stratégique du Pentagone vers le Pacifique Ouest, mais aussi, paradoxalement, du sentiment d’insécurité politique interne qui, depuis des lustres, ne cesse de tarauder les élites chinoises (1). Adjuvants de la légitimité affaiblie du Parti, les effets du nationalisme sont à la fois la rivalité stratégique avec les États-Unis, notamment en Asie, la priorité accordée à l’intégrité territoriale du pays dans les provinces en proie aux irrédentismes ethniques et religieux (2), l’inflexibilité de la politique « d’une seule Chine » à propos de Taiwan et la fermeté des revendications territoriales dans les vastes espaces des mers de Chine du Sud et de l’Est, objets de tensions avec le Japon et plusieurs pays de l’ASEAN (3). Appuyés par Washington qui organise des manœuvres aéronavales avec eux, ces derniers rejettent catégoriquement les extravagantes revendications de Pékin sur la totalité de la mer de Chine du Sud, grande comme la Méditerranée, où transitent plus de 60 % des hydrocarbures transportés par bateau dans le monde.
Il reste 86 % de l'article à lire
Plan de l'article