Editorial
Éditorial
L’engagement militaire de la France en Afghanistan touche à sa fin. En 2014, ce pays charnière va devenir le théâtre d’une concertation nationale qui devra articuler dans une formule encore indécise tous les acteurs d’un nouveau « consensus de Kaboul » dans lequel les taliban joueront un rôle clé, comme le Pakistan et l’Iran, les voisins aux stratégies suspectes. Pendant que ces épisodes se préparent, un nouveau « Grand jeu » régional se dessine entre Russes, Chinois, Américains et Indiens dont l’Asie centrale, nouveau maillon vital Est-Ouest, est l’enjeu principal. Le défi afghan est plus que jamais stratégique.
Comme l’opération Serval le démontre, l’action militaire curative reste nécessaire. Et on voit que notre actuelle posture militaire offre des atouts multiples qui permettent une large combinaison d’entreprises. Cette appréciation apparaîtra paradoxale à ceux qui pensent que la pression budgétaire ou l’impotence européenne ont altéré notre capacité de défense. Elle apparaîtra imprudente à ceux qui gravitent dans les circuits du Livre blanc et préparent la prochaine Loi de programmation militaire. Et pourtant, vingt ans après la fin de la guerre froide et près d’un point de PIB en dessous des dépenses d’alors, nous connaissons une rare situation de réactivité politique, d’expertise militaire et de maîtrise technologique. Certes le format humain est comprimé comme jamais et le déploiement sur le sol national bien réduit. Mais cette posture satisfait aux principes de la stratégie, la liberté d’action combinée à l’économie des moyens. Songeons aux engagements opérationnels que la France a soutenus avec un certain succès depuis cinq ans en Afghanistan, en océan Indien, au Sud Liban, en Côte d’Ivoire, en Libye et maintenant au Mali, sans avoir baissé la garde sur le territoire national, dans ses atterrages maritimes ou son espace aérien. Songez à l’excellence des nouveaux matériels entrés en service, du Rafale au VBCI, du Dixmude au Tigre…
Quelles conclusions tirer ? « Tout est affaire de circonstances » aurait dit le général de Gaulle alors qu’on affirme bien vite que tout est affaire d’économies et de technologies d’un côté, d’alliances et de procédures collectives de l’autre. Si la France continue à confirmer sa singularité militaire par sa créativité tactique dans le combat aéromaritime et aéroterrestre, c’est qu’elle n’est jamais aussi à l’aise sur le terrain des opérations que lorsqu’elle manœuvre, sans trop de contraintes, comme nation-cadre. Pour autant, l’ordre de bataille et la pratique opérationnelle actuels sont-ils un optimum à préserver ? Assurément non. D’abord parce que notre appareil militaire est dans un moment intermédiaire, instable. Ensuite, parce que la part de richesse consacrée à la politique de défense et de sécurité nationale est sans doute aussi peu soutenable que celle consentie à la justice sociale ; un important transfert de la première vers la seconde est une fois de plus attendu. L’épisode militaire particulier d’aujourd’hui ne nous dispensera pas de renforcer la compétitivité économique de la dépense de défense, notamment à l’exportation, d’approfondir les synergies entre responsabilités nationales et européennes, les équilibres entre prototypes et effectifs, les corrélations entre militaires et policiers pour une stratégie nationale de sécurité durable et adaptée au monde actuel. ♦