L’auteur, expert des questions africaines, fait un tour d’horizon des actuels points chauds en Afrique. Il expose les crises larvées ou ouvertes qui affectent la région des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique et l’espace saharo- sahélien.
Enjeux africains de sécurité : Grands Lacs, Corne de l’Afrique et Sahel
African Security Stakes: The Great Lakes, the Horn of Africa, and the Sahel
The author, an expert of African questions, makes an overview of the current hotspots in Africa. He exposes the crises, nascent or open, which affect the Great Lakes region, the Horn of Africa, and the Sahel.
On notait en 2012 en Afrique six conflits de forte intensité, trente-quatre d’intensité moyenne et quarante-cinq de basse intensité. Les trois grandes zones d’insécurité sont les Grands Lacs, la Corne de l’Afrique et le Sahel. Les enjeux majeurs sont les liens entre le contrôle des ressources, ou des circuits de trafics, et les facteurs idéologiques par instrumentalisation du religieux (cas du Sahel et du Mali ou de la Somalie) ou des référents identitaires (cas du Kivu). Les conflits armés africains internes aux pays s’articulent avec des réseaux régionaux et internationaux. Ils ne peuvent être traités, comme le supposent les théories réalistes, en termes d’États-nations poursuivant des buts de puissance. Les guerres asymétriques se gagnent aujourd’hui moins par la force que par le soft power, à commencer par les médias, la désinformation, l’instrumentalisation des acteurs, le rôle des lobbies et des faiseurs d’opinion. Le cyberespace est devenu le principal champ de recrutement et d’information des mouvements terroristes. Il y avait, avant le 11 septembre 2001, quinze sites islamistes sur Internet contre des milliers aujourd’hui. On observe en Afrique une extension d’Al-Qaïda dans deux zones marquées par la séduction d’un islam radical, la grande pauvreté, les trafics, le non-contrôle des territoires par l’État et l’absence de transition démographique, en Somalie et à partir de la Somalie, et dans l’arc saharo-sahélien.
Les conflits des Grands Lacs : le cas du Kivu
et les enjeux fonciers et miniers
La République démocratique du Congo, la RDC ou Congo-Kinshasa, compte plus de 60 millions d’habitants répartis sur un territoire de 2 345 000 km2. La guerre a fait environ 4 millions de morts depuis 1996. La RDC n’a jamais connu de processus démocratique jusqu’en 2006 ; une partie du territoire reste soumise à l’influence des « seigneurs de la guerre et des pilleurs de richesses » appuyés par les pays voisins et impliquant plusieurs pays du Nord. La RDC est un « scandale géologique » avec des richesses du sous-sol très importantes. Cependant, l’État n’a aucun contrôle sur un territoire considérable et peu sur des richesses attisant la convoitise des États, des armées et milices des pays voisins et des grands groupes multinationaux bénéficiant de l’absence d’un État de droit. L’économie s’est informalisée et criminalisée. La crise majeure est celle du Kivu, région frontalière du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda, doté de richesses naturelles importantes, qui connaît une prolifération des armements et demeure un chaudron socio-ethnique. Le génocide du Rwanda de 1994 a accentué les conflits en conduisant à un afflux massif de réfugiés et migrants Tutsis puis Hutus. Le Nord Kivu qui fait partie de l’espace d’influence du Rwanda accueille 1,3 million migrants et réfugiés. Il est riche en terres arables et en ressources minières (coltan). Ces ressources sont contrôlées par différentes milices hutus, tutsis du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), M23 (mouvement créé par les militaires ayant participé à la rébellion de Laurent Nkunda, proche de Kagamé), Maï-Maï et par les armées de Kabila. La force des Nations unies, la Monusco, comprend 6 000 hommes au Nord Kivu avec un mandat peu clair ; elle est relativement impuissante face au drame humanitaire de 500 000 déplacés.
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