C’est de la régulation stratégique qu’il s’agit dans cette réflexion qui examine comment y contribuent la négociation, la dissuasion et l’intimidation. En convoquant théoriciens et analystes, et en examinant le système international dont il pointe les limites, l’auteur montre qu’elle est plus que jamais fragile.
Régulation et stratégie : l’ère de la désorganisation massive ?
Regulation and Strategy: an Era of Massive Disorganization?
It is strategic regulation that is the subject of this reflection, which examines how it contributes to negotiations, dissuasion, and intimidation. In summoning theorists and analysts, and in examining the international system, of which he highlights the limits, the author shows that it is more fragile than ever.
Le XXIe siècle semble s’annoncer comme celui de la déstructuration permanente ponctuée par des restructurations partielles et provisoires. Les excès du capitalisme dérégulé et mondialisé, ceux de l’exploitation de l’environnement et, surtout, les progrès de la cybernétique et la variété de ses utilisations amènent dans la plupart des domaines des tentatives de retour à la régulation ou à la réglementation, ainsi que la recherche de codes communs entre cultures aux traditions différentes et aux évolutions interdépendantes, mais parfois opposées.
Qu’en est-il, à cet égard, de la stratégie ? A priori, elle ne peut se passer de points de repères et d’un minimum de codes communs sans lesquels ni dissuasion, ni menaces, ni sanctions n’auraient de sens, mais elle s’accommode mal de la régulation ou de la réglementation. Après tout, son premier principe est la recherche de la liberté d’action ; le secret, la surprise, la dissimulation, la ruse sont parmi ses armes principales. Et cependant, l’intérêt commun entre adversaires à éviter une guerre nucléaire ou la ruine par la course aux armements, a inspiré un développement notable de la négociation permanente, du dialogue, voire de la coopération tacite ou explicite, entre adversaires. Nous voudrions revenir en arrière de près d’un demi-siècle pour réexaminer la naissance de la « maîtrise des armements » (Arms Control), l’influence, à cet égard, de la réflexion d’un des théoriciens les plus importants, le Prix Nobel Thomas Schelling dans les deux livres The Strategy of Conflict (1963) et Arms and Influence (1966), ses succès et ses limites, puis nous demander ce que la situation actuelle offre de nouveau, à la lumière d’un article novateur de l’amiral Dufourcq, « Les signaux de la dissuasion stratégique » et à celle des transformations récentes, culturelles et techniques, de la guerre.
Entre dissuasion coopérative et marchandage coercitif
L’une des idées centrales de Schelling dans The Strategy of Conflict est celle des jeux à somme non nulle, c’est-à-dire du mélange d’intérêts communs et divergents, voire de coopération et de conflit, entre adversaires nucléaires aussi bien qu’entre alliés. Il propose une « théorie du partenariat imparfait et de l’antagonisme incomplet ». D’où la nécessité, contre-intuitive, de maintenir une communication constante avec l’adversaire éventuel pour éviter la guerre par accident ou par malentendu (d’où le « téléphone rouge » entre la Maison-Blanche et le Kremlin qui est une idée de Schelling), mais, plus encore, d’une négociation permanente pour limiter, stabiliser ou, si possible, ralentir la course aux armements, et en tout cas la contrôler ou la maîtriser. D’où les différentes formes d’Arms Control et en particulier les négociations de la limitation (SALT), puis la réduction (START) des armes nucléaires entre les deux Grands. Ces négociations sans précédent, comme l’a remarqué Henry Kissinger, entre deux adversaires potentiels sur la manière de s’assurer qu’ils peuvent se détruire mutuellement sont incontestablement une contribution à la paix, même si elles n’ont, ni comme objectif ni comme résultat, le désarmement intégral.
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