C’est du paradoxe que forment un Occident déstabilisateur et un groupe d’émergents conservateurs que traite l’auteur qui nous livre ici une analyse pénétrante des tensions de la scène mondiale.
Un nouveau système international ?
A New International System?
It is the paradox which forms in the wake of a destabilizing West and a group of emerging conservatives which interests the author, who delivers us this analysis, penetrating the tensions of the global scene.
Pour désigner la montée en puissance sur la scène internationale d’un certain nombre d’États, à fort poids démographique et à forte croissance en ce début du XXIe siècle, le diplomate singapourien Kishore Mahbubabi a lancé l’expression « l’Occident et le reste », qui a connu un grand succès. Cette expression se voulait une boutade ; pourtant, elle correspond bien à la réalité d’un système international européocentré puis occidentalocentré depuis ses origines – le système constitué d’entités étatiques souveraines, né avec les traités de Westphalie en 1648 – mais aussi à la réalité de l’assaut donné par les nouveaux « émergents-émergés » qui ont en commun d’avoir une vision critique de cet ordre. Il y a bien un « Occident » et un « reste du monde » : Arnold Toynbee le soulignait, dès 1953, dans son essai sur L’Occident et le monde ; il dramatisait le choc premier, celui de l’irruption européenne : « C’est le monde, et non l’Occident, qui a connu l’expérience la plus significative. C’est le monde qui a subi les assauts de l’Occident. Les peuples non occidentaux peuvent différer par la race, la langue, la civilisation, la religion ; ils seront tous d’accord sur un point : l’Occident a été le plus grand agresseur des temps modernes ». Mais ce choc était celui de la modernité ; ce que reconnaît Toynbee lorsqu’il constate que l’État de type occidental a été le plus extraordinaire article d’exportation. Apprentissage de la modernité, à travers troubles intérieurs et guerres interétatiques, pendant tout le XIXe siècle. Fascination pour le modèle occidental. Tentation de l’Occident. Mais aussi un jeu, souvent instable, d’adhésion et de réaction à l’occidentalisation.
En ce début du XXIe siècle, la relation entre l’Occident et « le reste » est diamétralement inversée, dans ses dimensions démographique et économique.
Les raisons de l’expansion européenne au tournant des XIXe et XXe siècles ont été au centre de longs débats sur l’impérialisme. Sont-elles démographiques ? La population de l’Europe a presque doublé au XIXe siècle, grâce aux progrès de la médecine et de l’hygiène, à l’élimination des risques de famine. Plus d’un Européen sur dix va quitter le Vieux Continent pour l’Amérique, l’Extrême-Asie, l’Océanie. Mais cette émigration croissante ne se dirige pas nécessairement vers les colonies des métropoles européennes : l’Afrique noire (à l’exception de l’Afrique australe) est relativement vide de colons ; l’Allemagne, qui connaît une forte émigration, n’entre que sur le tard dans l’aventure coloniale. Les raisons sont-elles économiques ? L’Europe trouve sur son sol les minerais et les produits primaires essentiels ; pourtant, la recherche de matières premières est une préoccupation forte lors de l’occupation du Congo (« l’État libre » du roi des Belges), du Tonkin, de l’Égypte. À l’extrême fin du siècle, l’ouverture de nouveaux débouchés devient la préoccupation dominante : la compétition pour le développement de nouvelles régions du monde suscite exportations de capitaux et investissements. Les raisons sont-elles stratégiques, politiques ? Les considérations de prestige, l’exaltation du sentiment national, la conscience de la supériorité européenne sont manifestes.
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