C’est à un constat sans concession sur l’Europe et ses faiblesses structurelles, notamment liées à son hybridation continue depuis la Seconde Guerre mondiale, que l’auteur nous initie. Il estime que face au retour inéluctable des conflits en Europe, il faut trouver un nouveau modèle de sécurité collective.
Préambule - Les tensions aujourd’hui, demain les conflits
Preamble - Today’s Tensions, Tomorrow’s Conflicts
It is the constant, uncompromising condition of Europe and its weak structures, particularly related to the continued hybridization since the Second World War, that the author presents to us here. He believes that we must face the inevitable reality of the return of European conflicts, so as to find a new model for our collective security.
L’année 2012 n’a sans doute pas rassuré les théoriciens qui se penchent sur la sécurité de la planète, mais peut-être pour de mauvaises raisons. Est-elle pour autant une année-charnière, c’est-à-dire, en gros, est-on passé d’une période à une autre, radicalement nouvelle d’un point de vue stratégique ? La réponse est sans doute non, mais c’est une année certainement riche en enseignements.
La thèse qu’a énoncée avec fermeté Colin Gray, selon laquelle la guerre, sous toutes ses formes, est un trait, une permanence si l’on veut, de la vie humaine, semble être ainsi particulièrement validée. Dans son livre désormais classique, Another Bloody Century, Gray écrit que « l’institution sociale qu’on appelle la guerre a survécu à la révolution agraire intervenue aux alentours de 6 000 avant J.-C. et aux révolutions industrielle et scientifique des XIXe et XXe siècles. On peut donc prédire, sans trop de risques de se tromper, que la guerre s’adaptera ou qu’elle sera adaptée aux changements que la technologie, l’économie, les mœurs sociales et politiques feront paraître devant nous dans le futur » (1). Ce qui est étonnant, dans ces conditions, c’est que l’opinion publique en Europe semble s’intéresser davantage aux conflits qu’au phénomène de la guerre. Or, une différence fondamentale est apparue, dès la Seconde Guerre mondiale, entre la guerre, qui en est venue à signifier la possibilité d’extinction du peuple vaincu (guerre totale), et le conflit de portée plus limitée et dont l’issue, quel que soit le théâtre d’opérations, n’hypothèque pas nécessairement l’avenir national.
Expériences européennes récentes
C’est que la guerre froide, durant laquelle l’Europe de l’Ouest fut protégée par les États-Unis, a donné aux Européens de mauvaises habitudes pour penser leur sécurité : paix à l’intérieur, conflit à l’extérieur. N’était-ce donc qu’un bon mot lorsqu’on parlait d’une « coexistence pacifique » entre les deux blocs (grâce à l’équilibre de la terreur) ? Par la suite, la chute du mur de Berlin parut donner enfin raison aux hommes de bonne volonté, de manière tout illusoire il est vrai : ne pouvait-on pas dorénavant espérer la paix mondiale ? Ainsi, nous avons appris, par cet équilibre de la terreur, à coexister pacifiquement avec les plus grands périls qu’un État (2) puisse faire peser sur d’autres. Or, la situation a radicalement changé : les périls ne viennent plus en premier des États, du moins pour notre époque, mais de groupes, de factions, de sectes, de communautés, d’organisations terroristes ou criminelles que les relations interétatiques n’intéressent pas (aucun gain possible). À l’équilibre de la terreur succède la terreur du déséquilibre (guerre asymétrique).
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