En examinant le déploiement des forces américaines en Méditerranée orientale, l’auteur montre la place qu’y tient la projection de la puissance américaine dans l’espace régional de l’Asie occidentale et centrale.
La projection des forces américaines depuis la Méditerranée orientale
The Casting of American Forces into the Eastern Mediterranean
By examining the deployment of American forces in the Eastern Mediterranean, the author shows the place that American forces hold in this regional space of Western and Central Asia.
La stratégie américaine qui consiste à contrôler l’espace – les territoires, les ressources énergétiques et les voies de circulation – utilise le déploiement et la stabilisation de moyens militaires comme instruments de puissance. Elle s’appuie corollairement sur une organisation en réseau et la projection de forces d’un point de vue défensif, ainsi que sur une diplomatie active pour mettre en œuvre ou renouveler des alliances bilatérales sur le plan politique (accords de défense, rapprochements ponctuels). L’espace maritime est le support tangible de la stratégie de supériorité des États-Unis dans l’Est méditerranéen : les bases militaires ne sont que les instruments de cette logique de contrôle et la réticularité, l’assise organisationnelle de l’ensemble. Le bassin oriental de la Méditerranée dont l’articulation est triangulaire – car fondée sur la Turquie, la Grèce et Chypre – est inscrit au centre de ce processus depuis la guerre froide ; il est désormais complémentaire de nouveaux espaces de puissance dans lesquels la stratégie de domination régionale des États-Unis est active : déploiements militaires à proximité de la mer Noire, en Asie centrale et au Moyen-Orient.
La stratégie américaine repose sur une représentation élargie de l’espace, qui privilégie la dimension régionale selon une approche géopolitique et géoéconomique, non strictement géographique. Cette logique spatiale met l’accent sur la « régionalisation » des forces, c’est-à-dire sur la répartition de bases militaires dans une région précise, avec de nombreuses interactions entre les différents réseaux défensifs zonaux via des territoires pivots ou des espaces stratégiques charnières. Ainsi, de la Turquie, lien entre l’Occident, le Moyen-Orient, le golfe Arabo-Persique, le Caucase méridional et l’Asie centrale, où d’autres dispositifs militaires régionaux sont déployés. Ainsi de la Grèce : trait d’union entre la Méditerranée et les Balkans, mais aussi base arrière de l’Anatolie. Ou de Chypre : pont entre l’Europe et le Proche-Orient. En ce sens, on observe l’expansion stratégique des États-Unis au nord du territoire grec dans les Balkans, en Bulgarie à proximité de la mer Noire, en Roumanie, et à l’est de la Turquie dans le Sud-Caucase, en Asie centrale et au Moyen-Orient où de nouvelles bases militaires sont installées. Ce réseau prolonge le dispositif défensif de la grande puissance dans le bassin oriental de la Méditerranée de manière tangible et permet l’élargissement de la couverture stratégique états-unienne dans la zone.
Bases et réseaux
Le déploiement de forces armées à l’extérieur du territoire national américain, précisément au sein des bases militaires présentes à l’étranger, s’organise selon une répartition géographique à la fois réticulaire et mondiale de grands commandements stratégiques régionaux. Ceux-ci couvrent des sphères d’influence évolutives, qui réunissent des zones d’importance stratégique majeure. Cette présence globale des forces américaines favorise la projection de la puissance armée des États-Unis, sous la forme la plus adaptée à l’action requise par la géostratégie et la tactique. Elle détermine de surcroît la base arrière des interventions militaires des États-Unis depuis 1947.
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