Éditorial
Le nouveau Livre blanc le montre, l’économie de défense est une discipline essentielle et un instrument clé de la souveraineté nationale. Avec elle, un autre facteur s’impose, la technologie, et la supériorité militaire qu’elle est susceptible de procurer dans le combat frontal ou indirect et dans l’établissement d’une relation coercitive avec un adversaire. On va en parler au Bourget, plateforme de la performance aéronautique militaire par excellence. Deux autres segments essentiels complètent le carré magique de la défense du pays, ce sont la valeur des hommes et la pertinence de la stratégie de sécurité nationale.
Mais il est d’autres facteurs qui déterminent la capacité d’un pays à passer le cap de la mondialisation, à en tirer bénéfice et à consolider ses positions, c’est l’audace et la confiance en soi, des vertus qui s’enracinent dans l’histoire des peuples, difficultés dépassées, expériences réussies, alliances judicieuses, prises de risque raisonnées… Et là aussi, le secteur aéronautique a beaucoup à dire ; il a été une forme de porte-bonheur industriel français. Pourtant l’économie semble échapper aux règles vertueuses jusqu’ici établies et la capacité des États à en maîtriser la complexité paraît défaillante. De même, la technologie qui permet de nouveaux rapports de force dématérialisés, monétaires, cybernétiques, culturels et même sociaux voire religieux tend à invalider la vaillance et le talent militaires. D’où, constatons-le, une certaine frilosité générale devant la sécurité nationale, une débudgétisation rampante, un désengagement humain, et l’application qui se généralise d’un principe de précaution qui conduit à un repliement sur un noyau de défense nationale solitaire.
Quel emploi peut-on faire des vertus et des capacités militaires dans le cadre d’une conflictualité aussi déréglée mais pourtant encore meurtrière ? Certes, il y a toujours les opérations Serval, mais ne sont-elles pas des cas particuliers non dimensionnants de notre sécurité ? Certes, il y a toujours des zones fragiles à l’extérieur où nous avons des intérêts mais les protégera-t-on par déploiement militaire ? Et est-ce à la France seule d’y pourvoir ?
La zone de l’Asie de l’Est qui comprend de grandes puissances, anciennes ou en croissance rapide, aux fortes capacités économiques, techniques et de défense et au réel potentiel de frictions pour le contrôle d’espaces vitaux constitue un véritable espace de défi militaire. Réglera-t-on ainsi les différends ou trouvera-t-on des modalités de coopération froide ? C’est à voir. Devrons-nous nous y impliquer ? Assurément, oui, mais par la médiation active pour éviter toutes les occasions d’action militaire qui romprait la chaîne continue des approvisionnements vitaux qui relient la zone au marché européen et dont dépend notre prospérité. Ce sont ces pistes qui doivent aujourd’hui guider nos démarches de sécurité pour les décennies à venir. On voit qu’elles sont encore bien peu esquissées et que la construction d’un modèle d’armée comme celle d’une loi de programmation militaire pluriannuelle pour y pourvoir sont loin d’être de simples exercices de style. Mobilisons tous les experts et en priorité les militaires, pas structurellement conservateurs, corporatistes ou dépensiers pour y réfléchir. Après tout, ce sera encore à eux d’agir. ♦