« La dissuasion » ; Les Champs de Mars n° 25
« La dissuasion » ; Les Champs de Mars n° 25
L’Irsem a publié un cahier tout à fait pertinent consacré à un sujet central, la dissuasion, alors même que le débat autour de ce concept est aujourd’hui – du moins en France – bien atone. Le mérite de cet excellent travail collectif avec des signatures de très haut niveau est bien de remettre à l’ordre du jour une question qui, si elle faisait consensus au temps de la guerre froide, semble être remise en cause actuellement par certains experts et politiques, comme le montrent les débats en cours au Royaume-Uni sur la succession des SNLE d’ici 2025.
Il serait vain ici de vouloir résumer la quinzaine d’articles rédigés par d’excellents penseurs du nucléaire, y compris dans leurs désaccords théoriques avec la Doxa officielle. Il faut cependant souligner le mérite de l’Irsem d’avoir engagé une telle publication, car, à force de vivre « cachée », la dissuasion nucléaire finit par s’estomper de l’écran de la réflexion politico-stratégique, au risque alors de nouveaux discours trop simplistes. En effet, il ne faut pas l’ignorer, la dissuasion est une affaire complexe nécessitant un travail approfondi sur ses finalités. C’est ici que l’axiome longtemps incontournable de dissuasion = dissuasion nucléaire, peut faire l’objet de nouvelles réflexions y compris à travers une approche historique comme le propose le début de cet ouvrage. C’est ainsi que les trois systèmes fortifiés pérennes et structurés qu’a connus notre pays – Vauban au XVIIe, Serré de Rivière à partir de 1875 et enfin la Ligne Maginot – ont contribué à empêcher avec plus ou moins de succès un adversaire à envahir notre « pré carré ».
Aujourd’hui, on peut également s’interroger sur le sens de la dissuasion, remis en cause ou au moins occulté en Europe, alors même que celle-ci est au cœur des politiques poursuivies par les grandes puissances asiatiques. De même, la prolifération nucléaire et balistique avec l’Iran et la Corée du Nord comme « agitateurs » renforce indubitablement le besoin de réfléchir ici et en Europe sur l’actualité et le futur de la dissuasion. Il serait paradoxal que, pour satisfaire une opinion publique versatile et ignorante en la matière, la question de la dissuasion soit, ou mise sous le boisseau ou confisquée par des opposants irréductibles au nucléaire.
L’Irsem nous offre ainsi une contribution tout à fait bienvenue sur un sujet éminemment sensible. Discuter ne signifie pas remettre en cause systématiquement. Il est donc utile d’alimenter cette réflexion qui de facto contribue aussi à la crédibilité de la France dans ce champ devenu si complexe qu’est la dissuasion. ♦