Avec cette mise en perspective générale de la question militaire européenne, l’auteur rappelle la valeur du temps long de l’histoire pour décoder les tensions du présent. Il démontre aussi que la panne observée de l’Europe dite de la défense n’est pas d’essence militaire mais d’ordre politique, c’est le flottement actuel du projet européen qui l’explique. Mais il annonce aussi qu’elle n’est pas définitive et que la relève se profile.
Présentation - Europe de la défense, Europe militaire, un débat désespérant ?
European Defence and a European Military Force: a Desperate Debate?
In this general overview of the whole question of European military forces, the author reminds us of the value of looking to the past in order to understand current tensions. Furthermore, he shows that the apparent breakdown of the European defence project does not arise from fundamentally military problems, but political ones, as highlighted by the current wavering over the entire European project. That said, the author also points out that these current problems do not sound its death knell—indeed, hope is on the horizon for its renewal.
Il y a des sujets complexes de géopolitique, réservés aux experts et aux diplomates, faisant l’objet d’études et d’articles dans les revues spécialisées, mais sans grands échos dans les opinions publiques. Le futur de l’Otan post 2014 en est l’exemple. Et il y a des sujets qui fâchent, parce qu’ils cristallisent les passions, réveillent les vieux clivages et déchirent alors les opinions. L’Europe en fait partie et sa dimension « défense » y contribue. Tout a été écrit sur le sujet et ce numéro spécial le rappellera. Les colloques, les journées d’étude, les initiatives, les « premières » ne cessent de se succéder, vantant pour les uns le projet européen, critiquant pour les autres l’incapacité collective à proposer une perspective viable. Pourtant, en cet été 2013, la Revue Défense Nationale a voulu remettre le sujet sur la table parce qu’il y a urgence à redonner du sens au projet européen, à l’heure où quasiment tous les pays, y compris la France, baissent leur budget consacré à la défense, et avant que des non-choix irréversibles deviennent inéluctables.
Une problématique sans fin
Comme pour les précédents numéros d’été consacrés en 2011 à la Chine, en quête de puissance, et en 2012 à l’Otan, en recherche d’un avenir, la revue a voulu d’abord retourner sur sa propre histoire afin de mieux comprendre les débats actuels. Et le paradoxe – mais est-ce bien une surprise ? – est que le sujet « Europe » a toujours préoccupé les auteurs qui se sont succédé dans les colonnes de la RDN. La première approche fut celle relative à l’Allemagne et à son réarmement pour contrer la menace soviétique en pleine expansion. Quelle place donner à l’Allemagne renaissante ? Quelle architecture de sécurité construire entre l’Alliance atlantique alors en pleine construction et la défunte Communauté européenne de défense sabordée dès sa conception ? Quelles menaces prendre en compte ? Celles venant exclusivement de l’Est ou aussi celles liées aux conséquences des conflits de décolonisation ?
Or, si l’on réfléchit à la situation actuelle, le parallélisme est étonnant. Certes, le contexte stratégique européen a totalement changé avec l’unification quasi finalisée du Vieux Continent depuis l’effondrement de l’Union soviétique, mais les questions de fond demeurent : quelles nouvelles menaces ? Le terrorisme ? Les affrontements religieux ? L’accès aux ressources ? Quelle organisation de sécurité retenir, entre une Alliance atlantique se repliant sur elle-même suite à l’échec afghan, une Amérique ayant pivoté vers l’Asie et une Union européenne, sans projets ni ambitions ? En quelque sorte, la question allemande des années 1950 est devenue la question européenne de la deuxième décennie du XXIe siècle : quelles ambitions, quelles actions à conduire et avec qui ?
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