C’est d’un électrochoc qu’a besoin la bien mal nommée Europe de la défense pour clarifier ses concepts, redonner confiance en la PSDC et enclencher un processus vertueux et pragmatique, et pour la sortir de l’ornière où la confusion et le manque d’ambition l’ont confinée.
Préambule - Livre blanc de 2013 et défense européenne : contra spem in spe
Preamble–The French 2013 Defence White Paper and European Defence: Hope Against Hope
The inaptly-named European Defence project is in need of a sharp shock in order to clarify its concepts, to breathe new life into the CSDP and hence to start a new, virtuous and pragmatic process that will bring it out of the slough of despond to which long-term confusion and lack of ambition have condemned it.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) que la France vient d’adopter aborde la question de la défense européenne avec une certaine prudence. Il faut dire que bien des illusions françaises sur le projet d’une défense commune se sont dissipées au cours des dernières années. Bien sûr, le Livre blanc de 2013 rappelle les grands principes de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) à laquelle notre pays adhère, mais il se garde des envolées lyriques. Son pragmatisme sur cette question est autant un affichage qu’une précaution, une précaution politique et de méthode. Comme les précédents de 1972, 1994 et 2008, il est en effet avant tout l’énoncé d’une politique nationale de défense. Même si dans les travaux préparatoires, des réflexions venant d’horizons divers ont été prises en compte, même si la Commission chargée de son élaboration comportait parmi ses membres un représentant britannique et un délégué allemand (1), les concepts stratégiques et les éléments de doctrine qui y sont développés expriment le point de vue souverain de la France. Difficile dans ce cadre de pétitionner collectivement au nom des Européens ! De surcroît, la nécessité de publier le Livre blanc au printemps 2013 afin qu’il puisse éclairer de ses conclusions la préparation de la loi de programmation militaire prochaine et le vote du budget 2014, alors même que les discussions en vue d’une relance de la défense européenne au Conseil européen de décembre 2013 sont encore en phase exploratoire, n’incitait pas à des déclarations d’intention appuyées ou à des propositions précoces, de peur d’être démenti ou de brûler trop tôt des cartouches.
Le point de vue pondéré du Livre blanc de 2013 qui entend concilier les exigences maintenues de la souveraineté, la volonté d’être influent dans l’Otan et l’ambition européenne, est cependant un peu trompeur, car il estompe une interrogation fondamentale, pourtant dans tous les esprits à la suite des interventions en Libye et au Mali : quels que soient les cadres d’intervention ou de coopération, sur quels partenaires et alliés la France pourra-t-elle concrètement compter à l’avenir et à quel niveau d’engagements capacitaires ? Sans réponse certaine à cette question, le LBSDN ne pouvait qu’évoquer des pistes à explorer pour relever avec d’autres les défis opérationnels et industriels auxquels se trouve d’ores et déjà confrontée une Europe militairement en voie d’affaiblissement. Il ne pouvait que tirer lucidement les leçons des ratés dans la mise en œuvre de la PSDC et inciter à plus de constance dans les efforts de convergence des appareils de défense des pays membres de l’Union.
En arrêt cardiaque, la défense européenne a besoin d’une défibrillation
La construction de la défense européenne est un chantier à l’arrêt depuis de nombreuses années. Le projet qui a connu une dynamique positive dans les années 1990 et 2000, notamment au plan institutionnel avec l’adoption des Traités de Maastricht, de Nice et de Lisbonne, est victime d’une triple panne : politique, militaire et industrielle.
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