Le regard souvent perplexe porté par les États-Unis sur la politique de sécurité et de défense de l’UE s’accompagne d’un fort pragmatisme et de la volonté de tirer le meilleur parti des complémentarités potentielles que celle-ci présente avec l’Otan. Des voies de progrès sont dégagées par l’auteur dans cette direction.
La défense européenne en 2013 : une perspective américaine
European Defense in 2013: An American Perspective
Whilst the United States is often left baffled by the European Union’s security and defence policy, it nevertheless maintains a strongly pragmatic approach towards the policy and a willingness to get the best from the potential it offers in terms of complementing NATO’s capabilities. The author looks at some possible ways ahead on these issues.
Pendant près d’une décennie, les décideurs américains se sont interrogés pour trouver une réponse cohérente à la déclaration faite en 1998 à Saint-Malo par le président de la République française, Jacques Chirac et le Premier ministre britannique, Tony Blair, lorsqu’ils s’accordaient pour affirmer que « [l’Europe] doit avoir une capacité d’action autonome, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire, afin de pouvoir répondre aux crises internationales ». Cette déclaration a également plongé bon nombre d’Européens dans la perplexité. Car depuis la création de l’Alliance atlantique et l’établissement de l’Otan à partir de 1949, les États-Unis les avaient exhortés à assumer davantage de responsabilités pour la défense collective. En outre, au début des années 1990 et de l’implosion des Balkans, l’administration de George H. W. Bush espérait que les Européens seraient en mesure de résoudre la crise sans intervention majeure américaine. Pourtant la réaction initiale du Secrétaire d’État Madeleine Albright à la déclaration de Saint-Malo avait été de mettre en garde les Européens sur les « trois D » : découpler la prise de décision européenne de celle de l’Alliance ; dupliquer les structures et processus de planification de l’Otan ; et discriminer les alliés (notamment la Turquie) qui, eux, n’étaient pas pays membres de l’Union européenne (UE) (1).
Pourquoi cette distance ? À l’époque, les hauts fonctionnaires américains entretenaient deux sujets de préoccupation assez contradictoires. Certains s’inquiétaient qu’une Politique européenne de sécurité et défense (PESD) effective ait comme conséquence une migration des décisions les plus importantes hors de l’Otan – là où les États-Unis avaient un rôle prééminent dans la conception des politiques et opérations de l’Alliance – et au profit de l’UE – là où Washington n’avait pas de siège. D’autres craignaient que la PESD ne mène à un simple forum pour parlementer, aussi coûteux qu’inefficace, sans grand espoir d’améliorer les capacités militaires et de décision politique européennes.
Pour autant, la vie des « trois D » fut remarquablement courte. Fin 2000, le Secrétaire à la Défense, William Cohen, concluait que le ton réservé de Mme Albright était contre-productif. Et à la grande surprise des autres ministres de l’Otan, il proposait une vision différente, très positive, de la PESD, tout en soulignant le besoin d’une relation étroite, cohérente, coopérative et transparente entre l’UE et l’Otan (2). Même son homologue français, Alain Richard, avait semblé favorablement impressionné.
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