Avec ce survol des fonctions assurées par les forces françaises depuis quelques décennies, on prend conscience du transfert qui s’est opéré progressivement de la défense des intérêts nationaux et de la raison d’État à une pratique étatique de la sécurité collective dans le système complexe de la mondialisation. Mais, c’est seule et pour elle-même que la France doit d’abord entretenir son outil militaire, explique l’auteur.
Préambule - La France indépendante en quête d’une politique de défense
Foreword–Independent France in search of a political defense
With this overview of the functions performed by the French forces in recent decades, one becomes aware of the transfer that took place gradually in the defense of national interests and state reasons toward a state practice of collective security in the complex system of globalization. But, the author explains, it is for itself that France must first maintain its own military tools.
Depuis près de vingt-cinq ans, il existe un décalage important entre le discours officiel sur la défense et la nature des fonctions remplies par les forces armées dans différentes régions du monde. Ce hiatus a été en partie comblé au fil des ans, non par l’adoption d’une nouvelle posture adaptée à l’évolution des relations internationales, mais en ajoutant de nouvelles tâches à celles que les militaires devaient déjà assumer. De la même façon, les armements dont ils sont dotés, initialement conçus pour la guerre froide, n’ont pas toujours été adaptés aux nouvelles formes de conflit. Il y a été lentement remédié, en superposant de nouveaux engins à la panoplie existante. Grâce aux aménagements effectués tout au long des vingt dernières années, la doctrine et les armements correspondront prochainement à peu près aux exigences des conflits menés depuis le début des années 1990. Cependant, un nouveau bouleversement est survenu depuis 2011, qui rend caducs les schémas de l’après-guerre froide, et les transformations qui seraient nécessaires s’annoncent particulièrement difficiles.
L’après-guerre froide et la mondialisation de l’économie
Immédiatement après l’effondrement du communisme, les armées françaises ont été engagées en Irak, pour mettre fin à l’invasion du Koweït par Saddam Hussein et dans les Balkans pour s’opposer au nettoyage ethnique en Bosnie et au Kosovo, en Afghanistan pour mettre un terme aux exactions des taliban. À l’exception de l’Irak en 2003, elles ont pris part à toutes les opérations menées par l’Otan depuis les années 1990. Ces interventions ont été décidées par les États-Unis, pour éviter que l’effondrement de l’URSS se traduise par un chaos dans son ancienne zone d’influence, pour assurer la Pax americana dans le monde et préserver la stabilité dans des régions troublées. Certes, ces préoccupations étaient largement partagées par les autres membres de l’Alliance atlantique. Il n’en reste pas moins que ces interventions armées n’avaient aucun rapport avec la doctrine de défense nationale énoncée par le Livre blanc de 1972. L’action des troupes françaises a été pendant toutes ces années conforme non au discours officiel de la France, mais à la stratégie de l’Otan.
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