Dans cette analyse au large spectre, l’auteur fait l’inventaire du rapport stratégique actuel de la France, riveraine du Pacifique, à l’Asie, évalue et hiérarchise ses modes d’intervention et ses ambitions.
Le rôle de la diplomatie informelle : les enjeux de la présence française en Asie
The role of informal diplomacy: issues of French presence in Asia
In this analysis of the spectrum, the author takes stock of the current French strategic report, borders on the Pacific, Asia, and assesses and prioritizes its intervention methods and ambitions.
Dès la Seconde Guerre mondiale, la France cherche à se réinsérer dans le théâtre asiatique dessiné par les Anglo-Saxons en envoyant des missions militaires auprès des commandants suprêmes, tels Tchang Kaï Tchek en Chine et Mountbatten en Inde. L’intérêt en 1945 est de rester présent dans les organisations de commandement allié, la réalité de la contribution militaire française demeurant pourtant marginale (1). La France n’a jamais abandonné l’idée d’une présence en Asie. La reconnaissance mutuelle de Mao Tse Tung et De Gaulle en 1964 en est un jalon important. La comparaison avec le contexte actuel est-elle fructueuse ? Sans vouloir l’extrapoler, la formidable croissance asiatique à partir des années 1990 et la montée en puissance de la Chine ont attiré tous les intérêts : économiques et commerciaux, mais aussi culturels, scientifiques et bien sûr, politico-stratégiques. Ce « méga-continent » asiatique recoupe beaucoup de réalités diverses. Lieu de grands émergents – ou déjà des émergés ? – comme l’Inde et la Chine, c’est un « marché » pour certains, un « théâtre » pour d’autres, marqué par une reconfiguration rapide au cours des deux dernières décennies. La France, forte de sa présence permanente au Conseil de sécurité des Nations unies et désormais seule puissance européenne riveraine du Pacifique par ses territoires d’Outre-Mer, est « concernée » (2) par ce qui se passe en Asie, tant pour ses intérêts nationaux que pour la part qu’elle veut prendre à la sécurité globale.
Présence stratégique française en Asie
L’Asie est-elle encore rangée dans la marge, loin de l’œil du cyclone, tout l’intérêt stratégique se concentrant encore sur l’immédiat africain ? Si on pose la question en termes de hiérarchies stratégiques, difficile d’oser une réponse. Une « politique asiatique » de la France ne semble pourtant jamais avoir été autant à l’ordre du jour. Il y eut un certain « volontarisme asiatique » pendant « les années Chirac », illustré par les dialogues stratégiques avec le Japon (1996), la Chine (1997), l’Inde (1998). Le président François Hollande semble poursuivre une politique similaire, au regard du rythme de ses entretiens avec les chefs d’État et de gouvernement de la région, de son entourage, et de la volonté diplomatique d’être présent dans les espaces de dialogue et les institutions asiatiques (3). Notons les investissements français dans la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien et en Afghanistan. Ces deux théâtres, bien qu’aux marges de l’Asie émergente, ne sont pas moins intimement liés à sa sécurité ; ils traduisent aussi la volonté stratégique de la France de participer aux côtés de la communauté internationale aux questions de sécurité globale. C’est le sens même de ce qui est défini comme son « indépendance stratégique ». La France est ainsi liée à plusieurs engagements internationaux en Asie : au traité de paix avec le Japon, en 1951 ; à la convention d’armistice en Corée en 1953, dont elle est toujours membre de la Commission militaire d’armistice (UNMAC, UN Command Military Armistice Commission) ; au traité de sécurité collective en Asie du Sud-Est, dit « Traité de Manille », de 1954 ; au traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est, dit « Traité de Bali », du 24 février 1976. La France a participé à la Mission préparatoire des Nations unies au Cambodge (Miprenuc) ainsi qu’à l’Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (Apronuc), au Cambodge, après les conférences de Paris en 1991. Elle a apporté un secours important aux pays victimes du tsunami, en 2004, notamment grâce à des moyens navals, et est partie prenante, en Indonésie, de la mission de surveillance à Aceh en 2005. Avec la signature de partenariats stratégiques avec Singapour en 2012 et l’Indonésie en 2011, l’intensification du dialogue avec le Vietnam ou les Philippines et l’étroitesse de la relation avec la Malaisie, les partenariats de la France se sont diversifiés.
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