En soulignant la dépréciation de l’analyse stratégique et en analysant ses causes, l’auteur montre comment l’université entend pallier cette carence dommageable et rénover le débat stratégique français.
Préambule – Réveiller la pensée stratégique
Preface–Awakening strategic thinking
In emphasizing the depreciation of strategic analysis and in analyzing its causes, the author shows how the university intends to remedy this harmful deficiency and renovate the French strategic debate.
L’ouvrage de Sir Lawrence Freedman Strategy: A History que viennent de publier les presses de l’Université d’Oxford est le genre de livre qui, écrit avec autant d’érudition que d’humour, vous rend intelligent au moins autant que le premier auteur cité dans l’ouvrage, le boxeur Mike Tyson : « Chacun a un plan jusqu’à ce que vous vous en preniez un en pleine figure ». * Ce livre est une somme remarquable sur l’histoire de la pensée stratégique. Il nous fait faire un grand tour, en commençant l’aventure, avec un brin d’ironie, par quelques observations tirées des études d’éthologie de Frans de Waal ou Nadia Corp sur le comportement des chimpanzés en groupe, jusqu’à l’analyse de la théorie des choix rationnels mise en œuvre aujourd’hui par les cabinets de management. Il faut savoir boucler une telle boucle ! Entre-temps, on aura, sur la route, rencontré, comme il se doit, Homère, Sun Tzu, Machiavel, Clausewitz, Jomini, Sorel, Gramsci et tous les maîtres contemporains de la stratégie appliquée à l’économie ou de la dissuasion.
Pourquoi une chaire stratégique ? Pour répondre à un besoin et combler un manque. On constate, en effet, une certaine dépréciation de l’analyse stratégique appliquée aux questions de sécurité en Europe. On observe toujours en France une relative relégation dans les programmes universitaires des enseignements et recherches consacrés aux enjeux stratégiques et de défense.
La dépréciation de l’analyse stratégique depuis la fin de la guerre froide chez les Européens a des raisons historiques mais elle est surtout d’ordre idéologique. Depuis la chute du mur de Berlin, les Européens se vivent comme définitivement libérés du fléau de la guerre, sans ennemi, hors d’atteinte de toute attaque militaire. Ils ne redoutent plus que des risques et des troubles diffus.
Il reste 77 % de l'article à lire