Dans cette présentation, l’auteur qui est aussi un praticien montre comment la Marine nationale, via ses préfets maritimes, s’insère dans la structure interministérielle en charge de l’action de l’État en mer. Il en analyse les complexités et fait des propositions pour réarticuler les structures de l’État dédiées à la mer pour permettre à la France de disposer d’un réel centre national d’autorité et d’expertise maritimes.
La gouvernance de la mer
Governance of the sea
In this presentation, the author (who is also a practitioner) demonstrates how the Navy, via its maritime prefects, fits itself into the interdepartmental structure in charge of state action at sea. He analyzes the complexities of it and makes proposals to re-articulate state structures dedicated to the sea in order to allow France to have a real national authority center and maritime expertise.
En France l’importance du préfet, représentant unique du gouvernement dans son territoire, est une donnée culturelle. On sait moins que, dans ce pays essentiellement tourné vers la terre dans le passé, pour des raisons stratégiques conjoncturelles, le préfet maritime est l’héritier de l’Intendant de l’Ancien Régime et de la période napoléonienne (c’est le décret du 7 Floréal an VIII qui l’a créé). Et par conséquent on se soucie peu du fait qu’à sa création, son autorité était déjà de même nature que celles de ses homologues terrestres, créés quelques mois plus tôt seulement. Sur cette première brique historique ajoutons-en quelques-unes pour nous permettre d’avoir des idées plus claires. Après la Restauration et au cours du siècle et demi suivant, le préfet maritime conserve son nom, mais il n’est en réalité que le commandant maritime militaire local, tout en continuant de disposer de l’autorité « sur les eaux et rades de l’arrondissement ».
Il faut l’apparition progressive de l’évidence des enjeux maritimes, accompagnée par des accidents terribles de navigation qui frappent les côtes et les populations, pour qu’apparaisse le besoin d’une autorité d’État renforcée pour les choses de la mer, pour ce que l’État veut ou doit y faire, mais aussi pour ce que la mer offre à la vie de la société à terre. En 1972, le préfet maritime est une première fois consacré comme l’autorité unique pour les situations d’urgence en mer. À l’échelon central, la coordination est placée chez le Premier ministre et une liste de missions constituant les actions de l’État en mer est établie. En 1978, la France démontre qu’elle est à l’avant-garde en prenant un décret sur l’organisation des actions de l’État en mer, en métropole, mais aussi outre-mer : nous vivons toujours sur cette base particulièrement forte. Intuition du législateur, prescience, chance ? Le 16 mars 1978, cinq jours après la signature de ce décret, l’Amoco Cadiz provoque la plus forte marée noire jamais vue, mais un homme est prêt pour l’action, le préfet maritime. En même temps et logiquement, l’organisation de l’État se renforce avec le Comité interministériel de la mer et la Mission interministérielle de la mer (Mismer), confiée à un responsable politique.
Dans le même temps, le droit de la mer, qui porte sur l’espace international par excellence, est l’objet pendant près de dix ans d’une négociation de grande ampleur, rassemblant plus de 150 pays, dont nombre d’entre eux sont « émergents à la mer » ; des travaux longs, souvent âpres, aboutissent en 1982 à la première structuration juridique forte des espaces maritimes. Là encore, la France avait une longueur d’avance puisque c’est, dès 1976, que sont créées des zones économiques exclusives, les ZEE, au large des côtes de métropole sauf en Méditerranée (où ce sera fait en 2012 seulement) et de ses outremers, six ans avant ce qui deviendra la Convention de Montego Bay !
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