Décider en stratège (la voie de la performance)
Décider en stratège (la voie de la performance)
Nombreuses sont les tentatives qui ont voulu proposer un enseignement commun de la stratégie militaire et de la stratégie d’entreprise. Or, elles ont bien souvent échoué parce qu’elles partaient d’un mot : « stratégie », qui induisait une méthode. La stratégie précédait le stratège qui n’avait qu’à suivre les cheminements conseillés pour tirer profit des qualités de la procédure. Tel n’est pas le point de départ de ce livre dont le titre dit le projet : Décider en stratège.
D’emblée, le lecteur comprend que ce qui compte ici est la personne, selon une démarche subjective. Surtout, l’essentiel est dit : le stratège doit décider et c’est peut-être sa seule fonction. Pourtant, la décision n’est jamais facile à prendre car elle doit toujours trancher entre des incertitudes. Quels que soient les « aides à la décision », le décideur en dernier ressort demeure seul. Voici l’immense mérite de ce livre qui se propose de lui apporter des moyens de consolider sa décision, en dehors de tous les facteurs techniques que lui apportera son équipe.
Après une brève introduction, l’ouvrage est divisé en six parties. Les deux premières exposent tout d’abord la nécessité de principes stratégiques puis le fait que la stratégie est en quête de solutions. Il s’agit d’aller des fondements à la pratique, dans un aller-retour qui fonde la démarche stratégique. L’auteur énonce ensuite quatre stratégies principielles mettant en œuvre quatre savoirs : le savoir-être autre, le savoir relier, le savoir construire et le savoir combiner.
L’auteur est un praticien et il veut proposer ce qu’il appelle un « kit de survie ». On pense à ces catalogues de recettes que les premiers penseurs militaires compilaient à la Renaissance. Voici donc une série de prescriptions qui pourrait étourdir. Pourtant, elles impressionnent par deux aspects : la très grande richesse des sources puisqu’aux inévitables Sun Tzu, M. Porter ou Clausewitz, il ajoute des auteurs moins connus comme le maréchal de Belle Îsle ou moins attendus comme Arthur Koestler et des trouvailles comme Musashi ou Auguste Detœuf (on regrette ici l’absence d’un index des noms). Cette érudition (non pédante, il faut le signaler immédiatement) est remarquable d’autant que chaque citation est mise en perspective avec une autre : il ne s’agit pas d’une suite de microfiches de lecture mais d’extraits pertinents mis en relation. Car voici le deuxième aspect réussi de l’ouvrage, sa construction : chaque stratégie est organisée en un certain nombre de propositions qui se succèdent. Le lecteur peut alors, soit choisir une suite, soit picorer en fonction de ses intérêts. Autrement dit, l’ouvrage permet une lecture continue ou une lecture aléatoire au gré de la curiosité ou des besoins que la table des matières permettra d’identifier.
Voici donc un ouvrage riche, foisonnant mais à l’ambition opératoire. Dès lors, il réussit à intéresser tous les stratèges : les militaires comme ceux de l’entreprise. Il constitue donc un vade-mecum qui se veut utile tout en étant abreuvé aux meilleures sources. En ce sens, c’est une vraie réussite.