La guerre informationnelle a fait de l'espace économique le théâtre privilégié d'une nouvelle conflictualité asymétrique. L’économie, eu égard à la valorisation financière de l'information, est très sensible aux effets d'image et de réputation au point que le faire-savoir y est devenu aussi important que le savoir-faire.
L'économie, cible privilégiée de la guerre informationnelle ?
The Economy, the Prime Target of Information Warfare?
The Information War is happening in an economic area - the favored theater of a new asymmetric conflict. The economy, in light of the financial value of information, is very sensitive to the effects of the image and the reputation, to the point that know-how has become equally as important as professional expertise.
Dans son rapport sur la cyberdéfense, le sénateur Bockel évoque au sujet des cyberattaques le rôle central de l’information. Il s’agit de guerres par, pour et contre l’information (1). Cette affirmation du rôle central de l’information au sein de la cyberdéfense est salvatrice puisqu’elle remet l’être humain et ses perceptions au centre de la problématique. Toutefois, les questions de cyberdéfense et de cybestratégie restent le plus souvent cantonnées aux domaines militaires et politiques en évitant le domaine économique alors que ce dernier devient de plus en plus un enjeu de conflictualité. Le développement d’attaques informationnelles, ces dernières années, à l’encontre d’opérateurs économiques conduit à un questionnement sur la relation existant entre ces derniers et l’information. Le changement de paradigme actuel dans la relation entre l’entreprise et l’information fait que l’on passe d’un univers où l’on cherchait à percer les secrets de l’autre à un univers où l’on tente de l’influencer par l’information (2). Mais si la guerre informationnelle – la guerre par l’information au sens du rapport Bockel – n’est pas une nouveauté pour les entreprises, l’avènement du cyberespace comme nouveau théâtre conflictuel renforce son importance. Et si l’entreprise a vu sa situation évoluer par rapport à l’information, cette évolution l’a, de facto, rendue plus vulnérable aux effets induits par cette dernière. Il est également utile de relever que certaines entreprises ont su s’adapter et mettre en place des stratégies d’utilisation de l’information à leurs propres fins, que ce soit dans le cyberespace, l’espace physique ou, le plus souvent, dans les deux à la fois.
L’entreprise face à l’information
Dans la société occidentale, la translation progressive d’un capitalisme industriel vers un capitalisme financier induit une augmentation de la valeur intrinsèque accordée à l’information. La complexification du système financier mondial est allée de pair avec une appétence de plus en plus marquée pour les actifs immatériels comme le goodwill (3), base importante de la cotation des entreprises du Net comme Facebook. Cette évolution met ainsi l’information et ses corollaires (notoriété, réputation, etc.) au centre de l’économie des pays du Nord. Cette extrême valorisation des aspects informationnels – et donc immatériels – des entreprises les a rendues, en corollaire, extrêmement vulnérables aux attaques utilisant l’information. L’exemple de l’attaque menée par la Syrian Electronic Army (4) contre le compte twitter de l’Associated Press est à ce titre édifiant. Le 23 avril 2013, l’organisation pro-Bachar el Assad, après avoir obtenu les mots de passe nécessaires, envoyait sous l’identité de l’agence de presse un tweet indiquant que la Maison-Blanche avait été attaquée et que Barack Obama serait blessé. En moins de 20 minutes, l’indice Dow Jones baissait de 143 points, induisant une perte de 136 milliards de dollars (5).
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