Billet - Ce n’est pas parce que les Portugais sont gais que les Espagnols sont gnols
Musulmans pour Portugais et Chrétiens pour Espagnols, la plaisanterie d’Alphonse Allais serait d’actualité. Alors que les Chrétiens, à l’exemple de Job, peinent à vivre sous le regard de Dieu, cette situation met les Musulmans en joie. L’opposition mérite réflexion, étant entendu qu’aux yeux des Musulmans nous sommes tous Chrétiens et que les joyeux Musulmans dont je parle ne sont pas les radicaux d’aujourd’hui : ceux-ci, comme tous les militants, sont les plus ennuyeux des hommes.
Première observation. Le fatalisme des Musulmans, schématisé par leur maktoub, les porte à la résignation alors que les Chrétiens, constamment en recherche de perfection, s’attristent de leurs insuffisances. Il se peut même que la rémission des péchés, codifiée dans le sacrement chrétien, ait contribué à en renforcer le poids.
Deuxième observation. Les Chrétiens sont plus enclins à demander le secours du Seigneur qu’à le remercier de ses bienfaits. Les premiers Musulmans l’étaient aussi et l’on trouve dans le Coran une claire exhortation où le Prophète stigmatise l’attitude des marins, prompts à demander la protection de Dieu quand la tempête les assaille et se détournant de Lui dès qu’ils sont au port. La leçon a été entendue, comme l’atteste l’emploi courant de l’interjection al-hamdu lillah, par laquelle on salue la pluie ou le rot d’après boire.
Troisième observation. Le royaume de Dieu, pour les Chrétiens, n’est pas de ce monde. Certes, il en va de même dans la prédication mekkoise de Mahomet, laquelle sépare dunya, bas monde, et akhira, au-delà. Mais après La Mekke, Médine et ses combats entraînent les Musulmans sur la pente d’une religion conquérante pour laquelle la perspective d’une domination terrestre n’est pas loin d’un royaume de Dieu réalisé ici et maintenant. Cette espérance a de quoi entretenir l’enthousiasme.
Quatrième observation, « l’ange et la bête » selon Pascal. Les Chrétiens supportent mal leur part bestiale, orientés qu’ils sont vers l’impossible perfection. Les Musulmans s’en accommodent fort bien, leur sérénité étant fondée sur le statut tout humain de leur prophète et la façon dont il l’a assumé.
On se gardera de conclure. On suggérera pourtant que le thème ici abordé est l’un de ceux où le dialogue islamo-chrétien, que l’on sait difficile, pourrait être fructueux.