Billet - Manuscrit trouvé sur Saragosse
Combats en milieu urbain ; voilà, paraît-il, une nouveauté nouvelle, entendons par là un vieux truc qu’on avait voulu oublier. Relisons plutôt l’Histoire de l’Empire de Thiers et ses développements sur la guerre d’Espagne. Saragosse 1809 ou Gaza 2009, à deux siècles de distance, ce sont les mêmes héroïsmes dans la défense indigène et, pour la réduire, les mêmes terribles expédients.
« Les Espagnols avaient barricadé les portes et les fenêtres, pratiqué des coupures au-dedans de façon à communiquer intérieurement, puis crénelé leurs murailles afin de pouvoir faire feu dans les rues. Il n’y avait donc d’autre ressource que de cheminer de maison en maison, de s’avancer à couvert contre un ennemi à couvert lui-même et de procéder lentement… Quand on entrait dans une maison, on courait sur les défenseurs à la baïonnette, on les passait par les armes ou bien on se bornait à les expulser. Mais souvent on laissait derrière soi, au fond des caves ou en haut des greniers, des obstinés restés dans les maisons dont un ou deux étages étaient déjà conquis. On se mêlait ainsi les uns aux autres et on avait sous ses pieds ou sur sa tête, tirant à travers les planchers, des combattants qui, habitués à ce genre de guerre et familiarisés avec la nature des périls qu’il présentait, y déployaient une intelligence et un courage qu’on ne leur voyait pas en plaine… Nos soldats, voyant qu’après quarante jours de lutte ils avaient à peine conquis trois rues, se demandaient ce qu’il adviendrait d’eux s’il fallait conquérir la ville entière par les mêmes moyens ».
Il y avait des maisons dont la prise pouvait prendre des jours. « Jamais je n’ai vu autant d’acharnement comme en mettent nos ennemis à la défense de cette place, écrivait Lannes à Napoléon. Le siège de Saragosse ne ressemble en rien à la guerre que nous avons faite jusqu’à présent. Il faut faire le siège de chaque maison, que nous sommes obligés de prendre avec la mine ou d’assaut. Ces malheureux s’y défendent avec un acharnement dont on ne peut se faire une idée. J’ai vu des femmes venir se faire tuer devant la brèche. C’est une guerre qui fait horreur ». Il y a quelque chose d’aussi beau qu’un grand homme, disait Vigny dans Servitude et grandeur militaires, c’est un homme d’honneur.
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