Billet - Le monde d’avant-demain
Du temps où le Cadet travaillait pour ce qu’on nommait le grand capital, il dut expliquer à un président contrarié que la transposition du trust anglo-saxon dans la loi française se heurtait à la réserve héréditaire du Code Napoléon, et que l’intégrité du patrimoine avait déjà été prétextée par les Ultraroyalistes pour tenter de rétablir le droit d’aînesse. Il dut faire de même pour le squeeze out des actionnaires minoritaires, que la Chancellerie nommait à juste titre expropriation pour cause d’utilité privée, contraire à l’article 17 de la Déclaration des droits de 1789, et qui ne fut finalement adoptée qu’à la faveur d’un artifice législatif. Car c’était un temps où l’on avait encore des pudeurs.
Mais disputez aujourd’hui du très fâcheux article 20 de la LPM, et l’on vous rétorquera, sans circonvolution ni détour, que cette fichue Déclaration de 1789 est désormais dépassée, elle qui fut paraphée par un roi de France. Et vous aurez beau forcer le trait pour provoquer une prise de conscience, et faire le procès un peu facile d’un régime totalitaire en filigrane, vos contradicteurs protesteront de leurs bonnes intentions, le prix d’excellence revenant à la déclaration suivante : « Si je ne suis pas terroriste, si je ne suis pas membre d’un groupe criminel organisé ou si je ne porte pas atteinte aux éléments essentiels du patrimoine français, scientifique et technologique, je n’ai aucune raison d’être inquiet ! ». Pas davantage que les enfants de Pithiviers et Beaune-la-Rolande.
Il est vrai que le GI au sourire photogénique sur fond de bocage normand est redevenu le maître à penser d’une certaine France qui part se prosterner devant son Dieu Cargo, repoussant à des confins insoupçonnés les bornes du mauvais goût. La presse d’outre-Atlantique en est restée coite. Les historiens n’en retiendront qu’une chose : nous aurons réussi l’exploit que s’interdirent, un millénaire durant, soixante-cinq rois, deux empereurs et cinq républiques au nom du principe d’inaliénabilité, major et minor se ipso ; devenir des vassaux.
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