Billet - Inaptes à la guerre, bonnes au combat
L’Armée française serait donc la meilleure d’Europe. Nul ne doute de sa valeur opérationnelle, démontrée récemment dans de nombreux théâtres. Côte d’Ivoire, Afghanistan, Libye, Mali sonnent comme autant de succès, de maîtrise tactique et de combativité de haut niveau, alliant technologie et dureté au feu. De bons soldats, certainement, de vrais militaires, et d’une valeur opérationnelle inégalée depuis des années, je vous l’accorde bien volontiers. Et j’entends les satisfecit bruyants des responsables clamer avec orgueil que jamais nos militaires n’avaient été si performants.
Oh ! Il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause leur valeur. Juste de remarquer que la valeur n’atteint pas le nombre des armées et que l’échenillage débouche sur l’échantillonnage. Que les soldats et les armes sont peut-être bons mais aussi bien rares. Qu’à un moment, peu c’est mal ; non pas « peu mais bien » mais « peu donc mal ». Bref, les forces françaises apparaissent aujourd’hui comme bonnes au combat mais inaptes à la guerre.
Oui, mais celle-ci a disparu ? Il est vrai que c’est une vision communément partagée même si bien peu le disent clairement. Et voici donc l’heure arrivée des mesures « de bon sens » qui amènent les militaires à se préparer aux combats et non plus à la guerre. De nombreux commentateurs croient d’ailleurs que les combats violents de ces dernières années s’y résument. Mais pourtant on est encore loin de l’affrontement durable et à mort de deux volontés organisées.
Faut-il croire que la pulvérisation étatique que l’on observe aujourd’hui sera durable et qu’il faille écarter la possibilité de ces grandes confrontations ? Cela semble bien hardi, justement à cause de ce nouvel environnement conflictuel où on n’y voit goutte. N’y a-t-il pas de vrais risques de guerre interétatique en Extrême-Orient, avec des déclarations qui chauffent les esprits et poussent à la hausse les budgets d’armements ? Cela ne nous regarderait pas, tout comme les affaires d’Europe n’auraient dû, en leur temps, concerner que les Européens. Si déjà à l’époque les guerres se mondialisaient, imaginez-vous un instant que ce ne sera pas le cas demain ? Puisque la seule certitude est l’incertitude, comment pouvez-vous être sûr qu’il n’y aura pas de guerre ?
On pense ici au principe de précaution, inscrit dans la Constitution. Il concerne les dommages graves et irréversibles à l’environnement mais l’idée vaut bien pour la défense du pays. Peut-être n’a-t-on jamais été aussi proche d’une guerre. Alors, on n’hésitera plus sur le mot mais ce sera, peut-être, trop tard. On regrette toujours de ne pas avoir payé la prime d’assurance le jour de la catastrophe. « Si j’avais su ! ». Mais vous le saviez, chère cigale. Je ne cesse de vous le chanter…