Billet - L’armement, un produit politique
La France n’a jamais vendu autant d’avions qu’en 2013. D’avions civils, s’entend. Parce que pour les avions militaires, elle n’en a jamais moins vendu. Qui s’étonne de ce paradoxe ?
Disons les choses simplement : les avions militaires français sont aussi bons que les avions civils. Ce n’est donc pas la qualité technique qui est en jeu. Le prix ? Mais comment se fait-il que le F-35 qui vaut bien plus cher, vole mal et n’a jamais été testé en opérations, se vende, lui ? Mal, certes, mais il se vend. Vous allez me répondre : « C’est dû à la puissance américaine et aux pressions politiques ».
Nous y voilà. Un avion de chasse n’est pas simplement un avion. Si le prix compte, si le niveau technologique compte (je ne sais, d’ailleurs, si comme on le laisse entendre, l’offre française est « trop » technologique par rapport aux besoins réels des clients), il n’y a pas que ça : un avion de chasse est, d’abord, un objet politique. En l’achetant, on n’achète pas seulement l’objet mais on achète aussi une politique.
Autrefois, la France vendait des Mirage parce que c’étaient de bons avions ET parce que la France était indépendante. On achetait de la technologie occidentale ET non alignée. Le Rafale démontre toujours la technologie française, certainement pas le non-alignement. Ainsi s’explique que l’Allemagne vende aujourd’hui plus de matériel militaire que la France. Pas simplement le made in Germany. Mais politiquement, l’Allemagne paraît aujourd’hui plus rassurante que la France.
Ici, le contradicteur me répondra que 2013 a été un bon cru puisque l’année connut un rebond à 6,3 Mds€ par rapport aux 4,8 Mds de 2012. On aurait ainsi confirmé notre place de quatrième exportateur mondial, talonnés par l’Allemagne et Israël. Pourtant, 80 % des commandes sont le fait de « petits » programmes à moins de 200 M€ et, à ce jeu, les gagnants sont Thales et MBDA pour des contrats peu « visibles ». La France manque d’éléphants blancs, ces gros contrats visibles mais qui structurent une filière.
Or, la baisse des dépenses de défense occidentales et la multiplication des compétiteurs de bon niveau (aujourd’hui la Corée du Sud ou le Japon, demain le Brésil, la Chine ou l’Inde) vont défier le positionnement haut de gamme où nous nous situons. Autrement dit, plus que jamais nous serons confrontés à la combinaison de trois facteurs : le niveau technologique, le prix et le positionnement politique.
Dès lors, pour vendre des Rafale, faut-il changer de politique ?