Voyage au cœur de l’Otan
Conçue pour faire face à la menace soviétique, l’Otan a gagné sans avoir eu à faire la guerre et se retrouve depuis 1989 dans une situation nouvelle et originale. Hormis la Russie, ses anciens adversaires, les pays satellites de l’ex-URSS, souhaitent y adhérer au plus vite, tandis que l’Organisation a dû gérer la crise yougoslave, conjointement avec l’Onu.
L’auteur, correspondant permanent à Bruxelles du journal Le Monde, décrit avec minutie la machine « otanienne » où la pesanteur administrative n’est pas un vain mot et permet ainsi à la diplomatie, et donc aux diplomates, de déployer tous leurs talents. Par ailleurs, si le poids des États-Unis est écrasant, on s’aperçoit que notre pays, malgré son retrait en 1966 des structures militaires, n’est pas resté inactif. Bien des débats actuels au sein des conseils de l’Otan sont dominés par une certaine rivalité franco-américaine, sans toutefois que la solidarité atlantique ne soit remise en question par la France.
La culture « otanienne », d’inspiration essentiellement anglo-saxonne, après bientôt un demi-siècle d’existence est bien ancrée dans les mœurs politiques et militaires des pays membres. Certes l’Otan a de nombreux défauts, mais aussi des capacités à répondre aux crises qui menacent la stabilité européenne et à évoluer avec l’intégration probable des anciens pays de l’Est. La présence au siège de l’Organisation, en Belgique, de délégations permanentes provenant du défunt pacte de Varsovie, montre combien la situation militaire a été bouleversée sur le Vieux Continent. On peut cependant s’interroger sur les perspectives de constitution d’un pilier européen crédible, dans la mesure où les États-Unis ne semblent pas prêts à accepter d’une part une diminution de leur leadership actuel, d’autre part une autonomie de la partie européenne de l’Otan. L’avenir de l’Organisation dépendra certainement de la capacité de l’Union européenne à se doter d’une réelle politique étrangère et de sécurité commune avec des forces militaires crédibles.
À l’heure où la France revoit sa politique de défense en profondeur et se rapproche des structures militaires de l’Otan après trente ans d’absence, ce livre constitue une ouverture intéressante et nécessaire sur une Organisation puissante et efficace, souvent critiquée, mais aussi enviée. ♦