Les relations internationales, de 1945 à nos jours
Le séisme des « trois glorieuses » (1989, 1990, 1991) a entraîné l’effondrement de l’ordre issu de Yalta. La chute brutale du communisme, ainsi que la disparition de l’empire soviétique et du système des blocs de la guerre froide ont mis fin à une ère bipolaire et plongé le monde dans un contexte totalement nouveau qui est devenu paradoxalement plus complexe et plus instable. La formidable accélération de l’histoire qui vient de se produire en cette fin de siècle contraint la communauté internationale à définir les nouvelles règles du jeu de l’échiquier géopolitique d’une planète en pleine mutation. La période de transition séparant l’ordre ancien de l’ordre nouveau qui se cherche conduira à l’élaboration de rapports internationaux et transnationaux complètement différents entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud. De ces relations dépendront la confrontation ou la coopération, la stabilité ou l’instabilité du XXIe siècle.
Par ailleurs, la grande famille des « Terriens » commence à prendre conscience de sa communauté de destin au-delà des convulsions et des conflits issus de la transition postcommuniste et des inégalités croissantes de développement entre le monde riche et le monde pauvre. Le moment est venu de penser le long terme et de gérer d’une façon rationnelle les ressources du globe. Pour beaucoup d’analystes, « la planète bleue » est gravement menacée : les générations futures sont en danger de mort. Si le péril nucléaire s’estompe, les problèmes écologiques imposent à l’humanité tout entière l’obligation de préserver l’avenir de nos enfants. La décomposition de l’ordre ancien appelle à une nécessaire recomposition. L’objet de l’ouvrage de Daniel Colard, l’un des plus grands spécialistes des relations internationales, est précisément d’analyser en détail toutes ces questions cruciales pour mieux comprendre le monde qui finit et celui qui est en train de naître.
Le professeur de droit à l’université de Franche-Comté nous présente tout d’abord une étude claire sur les facteurs qui conditionnent les relations internationales. Ces paramètres qui exercent une influence déterminante sur le fonctionnement de notre société contemporaine sont examinés en fonction de critères géographiques (climat, ressources naturelles), démographiques (opposition Nord-Sud), économiques, techniques (les progrès scientifiques ont bouleversé les rapports entre l’homme et son environnement), culturels (influence des religions et des intégrismes), médiatiques (surinformation, désinformation) et juridiques. Daniel Colard nous propose ensuite les « dix grands changements » qui, selon lui, sont à l’origine des mutations de la société internationale issue de la Seconde Guerre mondiale. Parmi ces métamorphoses historiques, le lecteur retiendra surtout : la révolution et le fait nucléaires, la révolution spatiale et balistique, l’explosion du phénomène médiatique, la structuration d’un axe Est-Ouest, l’apparition du Tiers Monde et la formation d’un axe Nord-Sud, la crise écologique et le défi de la survie de l’écosystème.
La communauté militaire et les passionnés de géopolitique seront également intéressés par le chapitre consacré à la sécurité négociée et contrôlée. Sur cette question, les spécialistes sont unanimes : le concept de maîtrise des armements s’est substitué au mythe du désarmement. Cette formulation plus réaliste traduit un changement de doctrine et d’approche politique. Devant l’impossibilité de supprimer les armements, Washington et Moscou ont décidé de les contrôler, donc d’organiser conjointement leur diminution. Les négociations en cours portent sur quatre grands dossiers : les armes spatiales, les armes nucléaires, les armes chimiques et la non-prolifération sous toutes ses formes. C’est ce dernier aspect qui pose actuellement le plus de problèmes en raison de la désintégration de l’ex-URSS et de la course aux armements quantitative et qualitative dans le Tiers Monde.
L’auteur nous livre aussi des réflexions utiles sur l’évolution du droit international (du droit de la force à la force du droit), l’avenir des systèmes d’alliances, l’architecture de la nouvelle Europe, la coopération internationale pour le développement et la problématique de l’établissement d’un nouvel ordre économique mondial qui a notamment été mise en évidence par le coup d’État des pétroliers. Cette onde de choc a eu des implications majeures qui ont créé de nouveaux paramètres : décollage économique d’une partie du Tiers Monde et apparition d’un nouveau type de pays riches, installation d’un équilibre politique et économique différent à la surface du globe et naissance d’un monde porteur de conflits incessants, qui exigera d’autres formes de coopération internationale.
La dernière partie du document de Daniel Colard traite des trois générations des droits de l’homme. Le premier âge est celui de la proclamation juridique des libertés qui garantissent les « facultés de faire » de tout être humain face à l’État. Ces droits découlent de « l’éminente dignité » de la personne et du citoyen dans un État de droit. Le deuxième âge touche à la socialisation : c’est celui de la liberté, non pas contre le pouvoir étatique, mais par le pouvoir de l’État. Dans certains domaines, l’intervention de celui-ci est indispensable pour préserver les « droits créances » et les « droits exigences » de l’individu vis-à-vis du pouvoir politique : droits à l’éducation, au travail, à la sécurité sociale, etc. Le troisième âge concerne l’internationalisation des droits de l’homme, qui a engendré les « droits de solidarité » entre les peuples et a fait l’objet de grands textes sur les libertés juridiques.
L’ouvrage de Daniel Colard présente un intérêt culturel évident en raison de la multitude d’informations qu’il recèle. Le seul reproche concerne l’absence d’articles sur la région Asie-Pacifique qui est pourtant en train de devenir le nouveau centre du monde, avec l’hégémonie économique du géant japonais dans certains secteurs, la croissance fulgurante des « dragons » asiatiques, le réveil de la Chine et la mise en place d’une vaste zone de libre-échange (Apec). ♦