Billet - Battez tambours, la générale, tambours battez toujours…
Cette vieille marche populaire semble particulièrement adaptée pour les rumeurs de « guerre » que nous entendons sans cesse. À défaut de « son du canon », nous avons le grondement des rotatives et des téléscripteurs (ou plutôt, désormais, la sonnette d’arrivée des emails et le cliquetis des imprimantes) pour nous expliquer que « nous sommes en guerre contre l’État Islamique ». À défaut d’avoir été régulièrement déclarée, la mise en scène a été soignée. Bien sûr, l’ennemi est un « barbare », comme attendu sanguinaire, nécessairement cruel, sans foi ni loi. Un bon ennemi, quoi.
Bref, nous lui avons envoyé neuf Rafale. Pas de canons, non, neuf avions. Qui ont frappé deux fois en trois semaines. C’est la preuve qu’il se terre puisque nous n’arrivons pas à lui tirer dessus. À moins qu’il soit plus malin. Ainsi a-t-on triomphalement annoncé la « destruction d’un dépôt logistique ». Vous vous représentez une espèce de grand hangar, du genre des cubes de magasins de distribution qui font le charme des périphéries de nos villes, comme si on avait détruit l’Ikea de Rakka. Il est fort probable en fait qu’il ne s’agisse que d’un double garage attenant à l’arrière-cour d’un pavillon de banlieue, dans laquelle le méchant ennemi avait caché trois 4x4 avec des mitrailleuses dessus et deux fûts à essence. Sûr qu’après ça il allait arrêter la guerre. C’est d’ailleurs à peu près ce qu’il s’est dit en se dépêchant de prendre Kobani.
Nous voici donc en guerre, dans un affrontement de volonté et un déluge de moyens. D’accord, c’est inefficace mais ça coûte cher quand même, des avions et des missiles de haute précision pour aller casser deux petits garages dans le fin fond du désert syrien. Il paraît qu’ailleurs, l’ennemi se fond dans la population et même qu’il a construit des souterrains à Mossoul.
Autrement dit, il rigole. Il se moque de nous. Mais n’est-ce pas, nous sommes en guerre ! C’est sans doute ce qu’auraient pensé nos anciens quand ils menaient quelques opérations de pacification, il y a tout juste cent ans, dans les hauteurs du Maroc ou les confins de l’Empire. Pas d’avions, à l’époque, pour disperser les rezzous. Simplement des postes, des colonnes, des patrouilles et l’acceptation du sang versé, le nôtre comme celui de l’ennemi. Moins de technologie mais plus de discipline au combat, la vraie force de l’Occident.
Mais je vous parle d’un temps où il y avait encore des tambours dans les régiments et où on ne parlait pas de guerre à tout bout de champ.