L’Algérie dans la guerre
Dans cet ouvrage collectif, plusieurs universitaires du Centre d’études de recherches internationales (Ceri) apportent des informations concrètes sur la situation en Algérie. Le premier article rappelle les difficultés « d’une économie de rente réticente aux réformes » au lendemain du retournement du marché pétrolier et du dollar. Il indique comment « le système des prix administrés et l’encadrement de l’économie en monopole de production et de distribution ont joué un rôle important dans le développement d’une économie » parallèle. Si l’interruption des élections et la fermeture des frontières ont rendu plus difficile le trabendo (marché noir) et développé le commerce des armes demandées par de nouveaux acteurs, « l’ajustement structurel tend à court terme à aggraver la détérioration de l’économie et à abaisser le pouvoir d’achat de la population ».
Les deux textes suivants montrent l’état d’esprit d’une jeunesse de plus en plus tentée par « l’enivrement de la violence ». Les mécanismes de formation des groupes armés urbains sont particulièrement bien décrits. Le portrait d’un « émir » du GIA, Saïd le tôlier, illustre comment la répression, les opérations de ratissage ont poussé des jeunes gens vers le « terrorisme ». Ce dernier peut parfois signifier l’engagement dans la lutte pour la « justice sociale », au sein d’une partie de la population persuadée que les idéaux de novembre « ont été trahis ». Les réactions des jeunes depuis l’arrêt du processus électoral sont aussi analysées. Des engagements et « des conduites différentes ont toutefois en commun de valoriser l’ascétisme et de proposer une nouvelle figure héroïque ». Si Kamel le garagiste affirme « tant que je ne rejoins pas mes frères dans la lutte armée, c’est que je reste attaché à l’ici-bas », pour Omar le lycéen « il ne s’agit pas de lutter pour améliorer les conditions de vie mais pour se purifier des tentations de ce monde ».
Les deux derniers articles analysent l’évolution des rapports politiques entre les belligérants, mais aussi au sein de leur camp respectif. Les perspectives d’un règlement politique dépendent largement « de la nature des réactions de la jeune génération de militants ayant émergé à la faveur de la lutte armée et résolument hostiles au compromis auquel leurs aînés du FIS se préparent ». Une partie de l’armée est prête à s’accommoder du FIS s’il « se repositionne nettement sur un axe de nationalisme arabe à discours religieux ne remettant pas en cause l’héritage de l’État algérien ». Une réflexion générale pertinente sur la violence qui secoue l’Algérie enfin laisse penser qu’il s’agit peut-être d’« une étape de la lutte d’un nouveau courant nationaliste arabe… écartant, au moins partiellement, la génération précédente après l’échec de son projet de construction nationale et d’affirmation face à l’Occident ». ♦