La décolonisation arme contemporaine (et ses conséquences)
La décolonisation a constitué l’un des faits majeurs après la Seconde Guerre mondiale. Guy Mandron, licencié en histoire, officier des troupes de Marine, puis rédacteur en chef adjoint à la revue Afrique Défense, étudie dans le détail les grandes étapes de ce phénomène planétaire. Il se penche notamment sur les aspects historique, sociologique, technologique, politique et stratégique des grandes entreprises de colonisation et des principaux conflits menés plus tard par des peuples en quête de leur indépendance. Les répercussions humaines sont intéressantes à analyser en raison de leur influence mondiale.
Ainsi, la colonisation à grande échelle longtemps incontestée dans une partie du globe a permis la constitution de la diaspora chinoise. Ces descendants des humbles travailleurs recrutés par les colonisateurs forment dans l’Asie du Sud-Est de fortes communautés imprégnées de la culture et du culte de la mère patrie. Ils ont en général réussi et ont souvent pignon sur rue ; certains de leurs membres, alliés par mariage aux habitants des pays de leur implantation, sont en position prépondérante, jusque dans les allées du pouvoir. La cité État de Singapour, composée aux trois quarts de Chinois, est ainsi le pur produit de la conquête coloniale britannique.
L’étude des fondements de la guérilla est particulièrement intéressante. Sur ce sujet, l’auteur nous fait part de la longue expérience des Afghans, qui prirent les armes contre les Anglais au XIXe siècle, et des théories de Mao. Le « grand timonier » demeure en effet l’un des meilleurs stratèges de cette bataille du faible au fort. Ses principes de la tactique du mouvement, de la guerre révolutionnaire agraire et de la nécessaire prise en main de la population en ont fait incontestablement le promoteur de la guerre insurrectionnelle dans ses formes actuelles. Toute sa conception tient en ses deux préceptes qui ont fait le tour du monde : « Notre stratégie, c’est de nous battre à un contre dix, mais notre tactique, c’est de nous battre à dix contre un », et « L’ennemi avance, nous reculons ; l’ennemi s’arrête, nous l’inquiétons ; l’ennemi est harassé, nous le frappons ; l’ennemi recule, nous le poursuivons. »
L’intérêt de cet ouvrage particulièrement bien documenté réside d’une part dans sa richesse historique (pratiquement toutes les guerres de colonisation et de décolonisation sont traitées), d’autre part dans ses réflexions géopolitiques et stratégiques. Certains paradoxes méritent par ailleurs d’être analysés. Ainsi, le succès des guerres de libération nationale est à porter au crédit des idées et techniques introduites par les colonisateurs (les colonisés, une fois qu’ils ont assimilé celles-ci, les ont retournées contre leurs dominateurs). Le livre de Guy Mandron, qui a également écrit dans de nombreuses revues comme Stratégique et Esprit, est particulièrement utile pour les étudiants intéressés par les questions stratégiques et pour les militaires passionnés par l’étude des guerres insurrectionnelles. ♦