Le système politique de la Chine populaire
Cet ouvrage fondamental, dont un résumé est simultanément publié sous le même titre dans la collection « Que sais-je ? », est bien plus qu’un simple exposé des institutions chinoises actuelles. C’est également un livre d’histoire sur la république populaire de Chine et un résumé de la pensée politique sous l’empire et l’ère républicaine.
Le titre premier recouvre plusieurs chapitres qui commencent par un exposé de l’héritage politique impérial. La culture politique chinoise traditionnelle est dominée par la philosophie de Confucius qui a eu en Extrême-Orient une influence comparable au christianisme en Occident ; mais d’autres aspects de la vie en société, bien que largement méconnus en Europe, ont également marqué en profondeur la Chine ancienne : le légisme et dans une moindre mesure le taoïsme. C’est sur la base de ces théories que la Chine a été dirigée par un système dont les acteurs étaient l’empereur et la bureaucratie impériale organisée dans une administration complexe et hiérarchisée avec ses fonctionnaires lettrés et le censorat qui les contrôlait.
La courte durée de la période républicaine (1912-1949) en a fait sous-évaluer l’impact sur la pensée et la vie politique chinoises. Pourtant, fait remarquer l’auteur, cette expérience a été capitale, car elle a été le cadre historique de la première tentative d’application des concepts politiques occidentaux introduits en Chine par les intellectuels et les réformateurs de la fin de l’empire mandchou. De grands réformateurs comme Kang Youwei ou Liang Qichao seront un jour étudiés dans les manuels universitaires du continent.
Le chapitre III sur la formation et le développement du Parti communiste chinois de 1921 à 1949 n’ajoute rien à ce que les travaux du général Guillermaz ont largement contribué à faire connaître, mais il constitue une bonne introduction au titre second consacré à l’évolution de la dictature communiste en Chine continentale. Dans cette partie, Jean-Pierre Cabestan semble difficilement trouver sa voie entre une histoire de la Chine communiste souvent réécrite sans originalité par de nombreux universitaires et une histoire détaillée des institutions qui malheureusement continuera à faire défaut. Ainsi la Constitution de 1954 est traitée en une page et celle de 1978 en quatorze lignes. Il n’empêche que pour ce second aspect que l’on aurait aimé plus exclusif, cet ouvrage reste actuellement le plus complet.
La deuxième partie, qui représente les deux tiers de l’ouvrage, expose le système politique actuel. Là, Jean-Pierre Cabestan, qui est probablement notre meilleur spécialiste du droit et des institutions chinois, peut donner toute sa mesure. Le rôle et l’organisation du PCC sont clairement exposés dans des chapitres bien structurés. Même si les institutions de l’État ne sont, comme l’auteur le fait justement remarquer dans son titre, que la façade étatique du Parti communiste, il aurait été normal d’y trouver un développement sur l’évolution des organes du Conseil des affaires d’État dont les modifications de structure ont toujours reflété les changements d’orientation du PCC, en particulier de ses réformes économiques. De même, plus qu’une liste des quarante ministères et commissions d’État, il aurait été très utile de connaître leur rôle respectif : par exemple, ce qui distingue les fonctions de la commission d’État du Plan par rapport à celle de la Restructuration du système économique et de cette dernière par rapport à celle de l’Économie et du Commerce ainsi que les interférences dans les attributions de ministères comme ceux des Finances, de l’Agriculture, du Commerce intérieur et de l’ensemble des ministères techniques. Par contre, l’auteur nous fournit le meilleur exposé actuellement disponible sur les pouvoirs locaux, qui en prennent de plus en plus à leur aise à l’égard du pouvoir central.
Le troisième est consacré à l’Armée populaire de libération (APL), troisième pilier du régime au même titre que le parti et l’appareil d’État. Comme déjà signalé à propos d’autres thèmes, il n’est pas certain que la partie consacrée à la nouvelle politique de défense, bien résumée, ait sa place dans cet ouvrage ; par contre, le chapitre sur l’évolution de la place de l’armée dans le système politique chinois, notamment dans le processus de décision politique, est d’un intérêt particulier.
Le titre quatrième, intitulé « Pouvoir et société », arrive un peu comme une pièce rapportée à l’ouvrage. Ainsi, les chapitres consacrés aux membres du Parti communiste et aux organisations de masse auraient fort bien trouvé leur place dans celui déjà consacré au PCC dans la partie sur le système politique actuel.
Un peu fourre-tout, ce nouveau livre de Jean-Pierre Cabestan peut agacer par ses dérives hors sujet. Il n’en reste pas moins une mine d’informations introuvables ailleurs et à ce titre se doit d’être dans la bibliothèque de tous ceux qui veulent comprendre comment fonctionne un des plus vieux et des derniers régimes communistes du monde. ♦