Nuclear Triangle. Relations between the United States, Great Britain and France in the atomic energy field. 1939-1950
Gunnar Skogmar, professeur à l’Université de Roskilde (Danemark), mais Suédois, participe au projet de recherche sur l’intégration européenne de l’Université de Copenhague et aux travaux du Centre de recherche sur la paix et les conflits de cette même université. Il est l’auteur d’une thèse soutenue en Suède (1979) sur le sujet « Politique atomique : l’interdépendance entre usages civil et militaire de l’énergie atomique dans la politique extérieure des États-Unis de 1945 à 1973 ». La présente étude est consacrée au tout début de l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaire, politique et économique et centrée sur le rôle – trop méconnu selon l’auteur – de la France, notamment dans ses relations avec la Grande-Bretagne et les États-Unis. Tandis que l’histoire des débuts atomiques de ces derniers est largement connue par la publication des documents et par d’assez nombreux travaux, comme ceux de Margaret Gowing (Britain and Atomic Energy 1939-1945 ; Londres, 1964), la France a, jusqu’ici, suscité moins de recherches.
L’auteur estime, d’une manière générale, que l’environnement international de ces temps pionniers de la politique nucléaire française n’a pas été assez exploré. Il analyse la triple relation bilatérale France–États-Unis, France–Grande-Bretagne et Grande-Bretagne–États-Unis, relation « asymétrique » car ceux-ci sont « le point de domination ». Les relations « spéciales » anglo-américaines, ayant fait l’objet de bien des études, ne sont pas abordées directement. Elles le sont surtout par rapport à la puissance tierce qu’est la France et pour répondre à la question : comment les États-Unis ont essayé de prévenir toute coopération entre la Grande-Bretagne et la France ? car c’est l’histoire de la « deuxième relation » qui intéresse particulièrement l’auteur, celle d’une « alliance nucléaire potentielle » qui n’a jamais pu se développer. L’avance scientifique prise par les Français et les Anglais avant 1940 aurait pu cependant en être un des fondements, mais la guerre et l’ampleur de moyens désormais nécessaires firent que la recherche américaine se développa à un rythme plus rapide.
De l’accord de Québec du 19 août 1943 au Modus Vivendi du 7 janvier 1948, la Grande-Bretagne s’efforça de définir des « relations spéciales » lui permettant de bénéficier de l’élan américain dans le présent, tout en sauvegardant ses chances à constituer une force nucléaire indépendante dans l’après-guerre. Quant au « cercle intérieur » anglo-saxon, largement fondé sur le contrôle de la chaîne de l’uranium, il se trouva essentiellement remis en cause dès lors que Paris put compter sur l’uranium de son empire, et surtout de son propre territoire après la découverte du gisement de la Crouzille (1948). L’auteur oppose avec conviction les chances, minimes avec Churchill, plus fortes avec Eden, d’une coopération atomique franco-britannique. Il souligne enfin – si besoin en était – l’importance déterminante des facteurs de politique interne : l’influence communiste – réelle ou supposée – sur le CEA responsable de l’hostilité américaine et de la réticence structurelle britannique. L’exclusion de Frédéric Joliot du CEA en avril 1950, alors que la IVe République entrait dans sa phase « atlantique », fut une étape – toute provisoire – de cette histoire triangulaire. ♦