L’homme qui devinait Napoléon, Jomini
Qui est donc cet Antoine Jomini, baron d’Empire, général des années de Napoléon, général en chef des armées du tsar, comme le proclame son épitaphe à l’ombre des arbres du cimetière de Montmartre ? Jean-François Baque, passionné par le personnage, nous conte quelques aspects bien peu connus des pages célèbres de l’histoire des conquêtes napoléoniennes ; avec la précision de l’historien et la verve du journaliste, il nous emmène avec son héros vivre au rythme de l’Empereur à travers toute l’Europe.
Pourtant rien ne prédestine cet officier suisse à une telle aventure ; après un triste début dans la banque à Berne, il n’entre dans la carrière militaire que par une petite porte de secrétaire du ministre suisse de la Guerre. Toutefois, l’époque sourit aux audacieux et il sera nommé colonel à vingt-cinq ans, après s’être placé dans le sillage du maréchal Ney et avoir étonné l’Empereur par sa vision tactique qui épouse étroitement celle de ce dernier au point de deviner très précisément le « rendez-vous de Bamberg », point de convergence des forces françaises imaginé par Napoléon avant la bataille d’Iéna. Cette communion de pensée et de raisonnement avec l’Empereur, qui parfois s’en irrite, sera utilisée par Ney à qui « Monsieur le tacticien » évitera bien des erreurs au point qu’on l’appellera perfidement le « souffleur du maréchal ».
N’hésitant pas à adresser directement à l’Empereur ses réflexions tactiques rassemblées dans un « traité sur les grandes opérations », « Monsieur le Suisse » se voit confier la direction de l’état-major du maréchal Ney, empêtré dans la guerre d’Espagne, et en outre le soin d’écrire l’histoire des campagnes impériales.
Cependant, les grands sont ingrats et l’animosité personnelle de Berthier retardera longtemps la nomination au grade de général de brigade. Malgré tout, Jomini repousse les offres de service pressantes du tsar et participe à la campagne de Russie où son sens tactique au franchissement de la Berezina sauvera la Grande Armée de l’anéantissement total. Lassé de l’ingratitude de Ney, ulcéré par la malveillance persistante de Berthier, « Monsieur le Suisse » se rend, déchiré, aux arguments du tsar et le rejoint en 1813 ignorant que Ney venait de lui obtenir enfin sa troisième étoile. Longtemps décrié pour ce changement de camp, voué d’abord aux gémonies par Napoléon Ier, Jomini ressent bien la considération du tsar, mais aussi la jalousie de ses nouveaux compagnons et se heurte surtout à l’immobilisme et l’impuissance de décision des coalisés au point de ne pouvoir s’empêcher d’imaginer comment les Français pourraient obtenir la victoire. Pourtant les honneurs sinon les dotations vont pleuvoir. Chef d’état-major du tsar Nicolas, gouverneur militaire du tsarévitch futur Alexandre II, il commandera même en chef l’armée russe contre les Turcs.
Rentré en France, écouté de Napoléon III, il donnera jusqu’à son dernier souffle des avis en tactique, notamment sur le rôle possible du chemin de fer. Passionné par les armes, remarquablement clairvoyant, susceptible à l’excès et fort peu diplomate, prévenant parfaitement la pensée tactique de Napoléon Ier, le général baron Jomini eût été pour celui-ci le plus merveilleux des chefs d’état-major. C’est probablement la raison profonde de la haine que lui vouait Berthier, c’est sûrement ce qui a poussé l’Empereur à dicter de Sainte-Hélène une réhabilitation formelle de ce général suisse dont il avait dit par ailleurs : « Il me comprenait, lui ; s’il avait eu plus de santé, il aurait été maréchal de France ». À l’auteur de cet ouvrage revient tout le mérite de cette réhabilitation intellectuelle d’un officier suisse du Ier Empire, dont les aventures contées avec autant de talent et d’intelligence constituent une épopée digne en tout point de celle de son illustre modèle. Par-delà les guerres et les campagnes communes, finalement réconciliés ils reposent maintenant non loin l’un de l’autre.
Qui est donc cet Antoine Jomini, baron d’Empire, général des années de Napoléon, général en chef des armées du tsar, comme le proclame son épitaphe à l’ombre des arbres du cimetière de Montmartre ? Jean-François Baque, passionné par le personnage, nous conte quelques aspects bien peu connus des pages célèbres de l’histoire des conquêtes napoléoniennes ; avec la précision de l’historien et la verve du journaliste, il nous emmène avec son héros vivre au rythme de l’Empereur à travers toute l’Europe.
Pourtant rien ne prédestine cet officier suisse à une telle aventure ; après un triste début dans la banque à Berne, il n’entre dans la carrière militaire que par une petite porte de secrétaire du ministre suisse de la Guerre. Toutefois, l’époque sourit aux audacieux et il sera nommé colonel à vingt-cinq ans, après s’être placé dans le sillage du maréchal Ney et avoir étonné l’Empereur par sa vision tactique qui épouse étroitement celle de ce dernier au point de deviner très précisément le « rendez-vous de Bamberg », point de convergence des forces françaises imaginé par Napoléon avant la bataille d’Iéna. Cette communion de pensée et de raisonnement avec l’Empereur, qui parfois s’en irrite, sera utilisée par Ney à qui « Monsieur le tacticien » évitera bien des erreurs au point qu’on l’appellera perfidement le « souffleur du maréchal ».
N’hésitant pas à adresser directement à l’Empereur ses réflexions tactiques rassemblées dans un « traité sur les grandes opérations », « Monsieur le Suisse » se voit confier la direction de l’état-major du maréchal Ney, empêtré dans la guerre d’Espagne, et en outre le soin d’écrire l’histoire des campagnes impériales.
Cependant, les grands sont ingrats et l’animosité personnelle de Berthier retardera longtemps la nomination au grade de général de brigade. Malgré tout, Jomini repousse les offres de service pressantes du tsar et participe à la campagne de Russie où son sens tactique au franchissement de la Berezina sauvera la Grande Armée de l’anéantissement total. Lassé de l’ingratitude de Ney, ulcéré par la malveillance persistante de Berthier, « Monsieur le Suisse » se rend, déchiré, aux arguments du tsar et le rejoint en 1813 ignorant que Ney venait de lui obtenir enfin sa troisième étoile. Longtemps décrié pour ce changement de camp, voué d’abord aux gémonies par Napoléon Ier, Jomini ressent bien la considération du tsar, mais aussi la jalousie de ses nouveaux compagnons et se heurte surtout à l’immobilisme et l’impuissance de décision des coalisés au point de ne pouvoir s’empêcher d’imaginer comment les Français pourraient obtenir la victoire. Pourtant les honneurs sinon les dotations vont pleuvoir. Chef d’état-major du tsar Nicolas, gouverneur militaire du tsarévitch futur Alexandre II, il commandera même en chef l’armée russe contre les Turcs.
Rentré en France, écouté de Napoléon III, il donnera jusqu’à son dernier souffle des avis en tactique, notamment sur le rôle possible du chemin de fer. Passionné par les armes, remarquablement clairvoyant, susceptible à l’excès et fort peu diplomate, prévenant parfaitement la pensée tactique de Napoléon Ier, le général baron Jomini eût été pour celui-ci le plus merveilleux des chefs d’état-major. C’est probablement la raison profonde de la haine que lui vouait Berthier, c’est sûrement ce qui a poussé l’Empereur à dicter de Sainte-Hélène une réhabilitation formelle de ce général suisse dont il avait dit par ailleurs : « Il me comprenait, lui ; s’il avait eu plus de santé, il aurait été maréchal de France ». À l’auteur de cet ouvrage revient tout le mérite de cette réhabilitation intellectuelle d’un officier suisse du Ier Empire, dont les aventures contées avec autant de talent et d’intelligence constituent une épopée digne en tout point de celle de son illustre modèle. Par-delà les guerres et les campagnes communes, finalement réconciliés ils reposent maintenant non loin l’un de l’autre. ♦