La connaissance des grandes migrations permet d’expliquer la configuration du monde d’hier et d’aujourd’hui, et souvent de prévoir, sous certains aspects, celui de demain. L’atlas historique qui nous est présenté revêt donc un intérêt particulier à une époque où ce sujet crucial fait l’objet de nombreuses controverses. Dans cet ouvrage très documenté, les auteurs ont le mérite d’aborder toutes les périodes de l’histoire, depuis l’ère de la haute antiquité à celle des importants mouvements migratoires contemporains. Ce phénomène ne se limite pas seulement à des actions individuelles menées par des émigrants fuyant leur pays, soit pour échapper à une menace ou à une persécution, soit pour trouver un espace de liberté ou des moyens de subsistance plus généreusement distribués sur une terre d’accueil. Les flux migratoires résultent également d’une œuvre collective (migration de masse par conquête, migration de fuite) qui se traduit généralement par des actions violentes, parfois pathétiques.

Ces importants transferts de populations ont pris une tournure particulière à l’occasion de certains événements historiques. La découverte du Nouveau Monde et la conquête de la Sibérie par les Cosaques ont ouvert la voie à de vastes peuplements qui ont bouleversé les données humaines d’une partie importante de la planète. La traite a apporté des millions de Noirs aux Amériques entre le XVI^e et le XIX^e siècle ; par la suite, l’émigration européenne vers ces territoires a été massive ; elle a atteint son point culminant à la veille du premier conflit mondial et a touché l’ensemble de notre Vieux Continent. Pour leur part, la Sibérie et l’Asie centrale ont reçu avant le régime soviétique des millions de colons qui ont façonné certaines contextures économiques de ces immenses régions. Les deux guerres mondiales ont ensuite provoqué des vagues de réfugiés et d’échanges de populations qui ont modifié beaucoup de données géographiques. La décolonisation, surtout en Afrique et dans le sous-continent indien, a accentué les mutations démographiques. Celles-ci ont pris un caractère exceptionnel dans la seconde moitié du XX^e siècle, en raison du grave déséquilibre qui n’a cessé d’augmenter entre les pays du Nord et ceux du Sud. Ainsi, les mouvements migratoires actuels sont le fait quasi exclusif des États en voie de développement du continent africain.

Tous ces exemples sont abondamment commentés par un grand nombre de cartes et de tableaux clairs et pédagogiques qui donnent au lecteur les éléments nécessaires à une analyse détaillée de ce problème d’une actualité brûlante. Cet atlas historique constitue donc un ouvrage de référence, non seulement pour tous les érudits passionnés par la géographie humaine, mais aussi pour tous les spécialistes et les étudiants impliqués dans des réflexions à caractère géopolitique. La seule lacune importante de ce document concerne l’analyse beaucoup trop restreinte consacrée aux perspectives migratoires. ♦