Le renseignement est un exercice difficile où l'intuition ne suffit plus. L’apport des sciences sociales, la capacité à traiter des « data » numériques, et la capacité à innover deviennent indispensables pour le renseignement et la France dispose de nombreux atouts dans ce domaine, à condition de faire preuve d'audace en dépassant les routines administratives.
Plaidoyer pour un tournant analytique du renseignement et de la prospective
A plea for an analytical turn of intelligence and foresight
Intelligence is a difficult exercise where intuition is not enough. The contribution of social sciences, the ability to handle numerical “data”, and the ability to innovate are becoming indispensable for intelligence. France has at its disposal many of these advantages, provided that she dares to surpass administrative routines.
« Par renseignements, nous entendons l’ensemble de la connaissance que l’on a de l’ennemi et de son pays, le fondement donc de nos plans et de nos opérations. Que l’on songe à la nature de ce fondement, à son inexactitude et à son inconstance, et l’on saisira vite la fragilité de l’édifice militaire, le danger qu’elle représente et comment la guerre peut nous écraser sous ses décombres ».
Carl von Clausewitz, De la guerre, Paris, Perrin, « Tempus », 2006 [1re éd. allemande : 1832], p. 101.
Dans une étude de portée générale sur la « politique publique » du renseignement en France, conduite à la demande de l’Institut Montaigne et publiée sous forme de rapport en juillet 2014 (1), nous avons abordé brièvement la question de « l’analyse » dans les « services » en effectuant certaines recommandations. Producteurs de renseignements, les services sont en fait des organisations fondées sur le traitement critique de l’information et son enrichissement par des savoirs divers (2) : cela est aussi une définition de l’analyse. Mais derrière la neutralité du terme « analyse » se cache en fait un enjeu primordial, car l’une des différences entre une information et un renseignement est précisément le travail – analytique – effectué par les « analystes » ou les « exploitants ». La valeur ajoutée d’une organisation de renseignement tient à sa capacité à fournir au(x) décideur(s) des analyses qui, selon la doxa, doivent parvenir timely, être tailored et balanced. C’est à ce propos que Clausewitz dit son scepticisme et le danger de fonder une décision sur un renseignement dont il estime qu’il est par nature fragile.
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