La mer de Chine constitue un enjeu pour la Chine et sa volonté de puissance. Face aux exigences des pays voisins et à la présence américaine comme acteur de nécessité, Pékin doit admettre une approche moins unilatérale et accepter un dialogue constructif.
Les enjeux de la mer de Chine du Sud entre la Chine et l'ASEAN (2/2)
The issues of the South China sea between China and ASEAN(2/2)
South China Sea constitutes an issue for China and her desire for power. Faced with the demands of neighboring countries and with the American presence as a required player, Peking must concede to a less unilateral approach and accept constructive dialogue.
Cet écueil de la mer de Chine du Sud illustre précisément l’hypothèse de départ : ce n’est pas tant à l’Asie du Sud-Est que la Chine s’adresse, mais derrière la région, au théâtre qu’elle représente pour le rayonnement de la puissance américaine. Dans un jeu à plusieurs niveaux, Pékin actionne le niveau régional pour faire réagir le niveau global ; il ne faut donc pas confondre la fin avec les moyens. À ce titre, les photos de trois sous-marins de classe Jin (type 094) parues en mai 2014 sur Internet dans la base de Yalong Bay au sud d’Hainan n’ont pas été publiées par hasard : la concomitance des temps avec l’installation de la plate-forme pétrolière résonne comme un coup de force minutieusement déployé. Pékin revendique dorénavant, mais de façon détournée et inductive, sa capacité militaire dans la région : cette tactique non fortuite contribue à la volatilité sécuritaire de la région.
Notre hypothèse est qu’à travers la mer de Chine du Sud, la Chine conteste l’ensemble du système de puissance tel que mis en place par les États-Unis dans les années 1950. Pour Pékin, il s’agit donc d’un enjeu primordial qui va bien au-delà de ses relations avec l’ASEAN (Association of South East Asian Nations), mais qui passe forcément par cette dernière : la Chine utilise cet espace, et les crises qu’elle crée ou pas, pour tester sa capacité d’influence, de nuisance et faire passer des messages. L’objectif final est bien d’affirmer son statut de grande puissance mondiale et de modifier le statu quo international pour intégrer cette donnée et aboutir à la mise en place d’un nouvel équilibre de puissance. Que le théâtre de la mer de Chine du Sud soit connecté aux enjeux de la rivalité stratégique sino-américaine implique que toute évolution aurait des répercussions sur l’ensemble du système mondial.
Les États-Unis sont-ils encore une grande puissance asiatique ?
Clairement, pour les décideurs asiatiques, la question est sur la table et sous-tend en filigrane les travaux de prospective mondiale. Elle paraît évidemment prématurée, voire déplacée, tant la puissance américaine reste prépondérante, mais, à l’horizon des trente prochaines années, elle constitue le paramètre sur lequel les dirigeants chinois misent pour convaincre leurs partenaires d’Asie du Sud-Est d’arrimer leur sécurité à l’alliance chinoise. Dans le discours d’ouverture prononcé à l’occasion de la Conférence sur la coopération et le renforcement de la confiance en Asie (20-21 mai 2014), le président Xi a appelé à la création d’une nouvelle architecture de coopération régionale en matière de sécurité. Le dirigeant chinois a suggéré que cette plate-forme de dialogue sécuritaire et de coopération soit ouverte à tous les pays d’Asie. La Chine assumerait dans ce cadre un rôle majeur pour explorer « un Code de conduite pour la sécurité régional ainsi qu’un programme de partenariat sécuritaire » (1).
Il reste 77 % de l'article à lire
Plan de l'article