Billet - Quatre ans de prison pour une idée : bienvenue en France !
L’autre jour, au tribunal correctionnel de Paris, Flavien M. et Farid D. sont jugés, accusés « d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ». Flavien est allé en Turquie dont il s’est fait expulser sans avoir rien fait. Farid est resté dans sa chambre en France. Dans son ordinateur, on a simplement trouvé des recherches Internet sur jihad, fabriquer une bombe, attentat. C’est tout. Ils viennent d’effectuer dix-huit mois de préventive avant ce procès.
Les « charges » suffisent au procureur qui requiert contre le premier sept ans de prison parce qu’il « a fait partie d’un groupe jihadiste, s’est entraîné, a tenté de recruter d’autres candidats ». Contre le second, il demande quatre ans dont une année de mise à l’épreuve, parce que « ses écrits, mis bout à bout, vont au-delà du délire. Ça commence à être réfléchi, concret ». Ça commence à être réfléchi ? Concret ? Moi qui croyais qu’en droit français on jugeait sur des faits : quels sont les faits véritablement reprochés ? Jihadisme ? Est-ce sous le coup de la loi ? Terrorisme ? Quelle définition donnez-vous au terrorisme ? Début du commencement d’une intention ? Avoir eu une idée récurrente est donc désormais non seulement passible de prison, mais vous conduit effectivement en prison, au moins pour dix-huit mois, au cas où… Bref, voici deux quidams emprisonnés et jugés pour délit d’opinion.
Certes, le thème du terrorisme est à la mode (depuis treize ans toutefois : plus qu’une mode, une obsession), régulièrement agité par des « hommes d’État responsables », peut-être très heureux de trouver là un moyen d’éviter de parler des choses qui fâchent, comme la politique ou l’économie, par exemple. Quel bon moyen d’afficher une posture de fermeté contre des menaces toutes plus effrayantes les unes que les autres ! Que je sache pourtant, ce qui se passe en Syrie orientale n’a pas lieu sur les bords du Rhône. Nous qui ne cessons de donner des leçons de démocratie au monde entier, sommes-nous bien cohérents quand nous mettons en prison quelqu’un pour un délit d’opinion ? Vouloir tout prévenir doit-il passer par l’abolition des libertés individuelles ? À trop chercher une sécurité collective, n’est-on pas en train d’atteindre nos libertés individuelles ?
En confondant défense et sécurité, en appuyant excessivement sur la sécurité aux dépens de la liberté, nous allons vers une société décérébrée et qui a perdu son sens. Pas sûr que ce soit le meilleur moyen de répondre, sur le fond, au défi « jihadiste »… À condamner les opinions, nous perdons notre âme et justifions paradoxalement le jihad.