En rééditant l’essai célèbre de son arrière-grand-père, l’Amiral Chomel de Jarnieu fait non seulement œuvre familiale et historique mais il honore la réflexion stratégique dans ce qu’elle a de plus pertinent et de plus nécessaire. Écrivant près de dix ans avant la Première Guerre mondiale, le jeune capitaine de frégate d’alors confrontait un événement naval d’ampleur, la guerre russo-japonaise et la bataille de Tsushima de 1905, aux travaux qu’il conduisait sur la doctrine navale de la Marine nationale.

Réflexions géopolitiques, tactiques et stratégiques s’enchaînent ainsi dans cet essai brillant et plaisant qu’on lit (ou relit) avec plaisir, révélant les invariants de la guerre, des combats navals, de l’impact de la technique sur la tactique mais aussi les procédés immémoriaux des puissances engagées dans des stratégies impériales ou prédatrices (le court chapitre XI sur la neutralité qui clôt l’essai est à méditer). Les deux leçons qu’il tire nous interrogent : la valeur indépassable de l’entraînement des forces et celle cruciale des dispositions stratégiques. Sans personnel non seulement valeureux mais d’abord instruit, équipé et résolu, sans dispositif stratégique pertinent et strictement articulé sur les intérêts du pays, l’action navale ne permet pas de parer durablement les coups de l’adversaire, encore moins de le réduire à l’impuissance. On remerciera les Presses du Midi d’avoir remis à notre portée cette réflexion vigoureuse et cet éloge de l’action d’un capitaine de frégate qui se préparait alors à la guerre en réfléchissant et publiant ses analyses et ses propositions. Puisse-t-il inspirer à nos contemporains cette détermination de mettre la pensée au service de l’action militaire.