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Nous sommes au XXIe siècle. À Brest, au mois de juin, le capitaine de vaisseau Le Clerc, commandant du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) De Grasse s’apprête à partir en patrouille pour deux mois. Il est soucieux. Non pas parce qu’il pense aux multiples activités qu’il aura à accomplir à bord, car ce n’est pas sa première patrouille, et il est rompu à toutes ces responsabilités. Ni à cause de sa famille, l’avenir de son ménage et de ses enfants se présentant bien. Tout au plus doit-il se soucier de la santé de sa mère qui doit subir une intervention chirurgicale risquée compte tenu de son âge. Son éloignement, les restrictions de communication entre le bord et la terre en patrouille, imposées par les règles de discrétion inhérentes à la dissuasion nucléaire, le laisseront sans possibilité d’être informé sur les suites de cette opération. Mais, de toute façon, ne doit-il pas se consacrer complètement à sa mission en reportant au second plan ses problèmes personnels ?
Le commandant Le Clerc est surtout soucieux de la situation internationale, qui ne cesse de se dégrader. Les mafias sont sur le point de prendre le pouvoir dans plusieurs gouvernements en Europe et en Russie. Le gouvernement américain opère un repli sur soi qui l’éloigne d’une intervention majeure en cas de conflit mondial, et devient vulnérable. Seul le Royaume-Uni paraît un allié sûr de la France dans cette période de tension internationale. C’est justement à ce moment que la Chine et l’Inde envisagent de modifier les équilibres régionaux en Asie, au détriment du Japon et des autres petits pays du continent. La situation issue des guerres coloniales et des derniers conflits mondiaux pousse ces pays, les plus peuplés de cette sphère géographique, à prendre le rôle majeur de principales puissances politiques, économiques et culturelles. L’amiral commandant les forces océaniques stratégiques (Alfost), et surtout, le cousin du commandant Le Clerc, colonel affecté à l’état-major particulier du président de la République, qui est particulièrement bien au courant de l’évolution des événements, l’ont bien informé et ne lui ont pas caché que cette patrouille pourrait ne pas être ordinaire.
Dans cette situation fictive, mais vraisemblable, l’ingénieur général de l’armement Alain Crémieux, ancien trésorier de la Revue Défense Nationale, nous emmène dans cette patrouille où, avant que les événements ne s’accélèrent, les hommes (et les femmes, car à cette époque future, des femmes font partie de l’équipage) exécutent avec professionnalisme leurs nombreuses occupations en nous mettant dans l’ambiance du bord. L’auteur analyse les questions de nature philosophique qui peuvent agiter le commandant et son second dans le cadre de leur mission de dernier rempart nucléaire à l’exacerbation des conflits. L’emploi de l’arme nucléaire, de par sa nature d’arme de non-emploi, au contraire de l’armement classique, engendre des problèmes moraux sérieux au regard des conséquences pour le pays qui l’utilise en dernier recours et, au-delà, pour l’humanité tout entière. Que sait-on de ce qui se passera après l’emploi de l’arme, quelle situation retrouveront-ils à leur retour, si toutefois ils reviennent. Leur détermination sera-t-elle suffisante pour déclencher le feu nucléaire ? Si aucun d’entre eux n’en doute, il faut aussi que le pouvoir politique sache que toute confiance peut leur être accordée.
Le roman est riche de péripéties, les événements se précipitent et l’horreur nucléaire, que l’on espère rester au niveau de la fiction, est sur le point de toucher la France. Le roman tient en haleine jusqu’à la dernière page.
Écrit dans un style alerte, parfaitement au fait des termes et des activités à bord d’un SNLE ou dans les cabinets ministériels jusqu’au plus haut niveau de responsabilité de l’État, Alain Crémieux nous fait vivre une expérience dramatique et aborde, au fil des réflexions des divers protagonistes de cette histoire, les problèmes que pose, depuis soixante-dix ans, la menace virtuelle de la guerre nucléaire. Le texte est enrichi de nombreuses références à l’histoire des conflits à laquelle l’auteur consacre son activité depuis de nombreuses années.
Comme le résume Alain Crémieux, « H analyse la plus étrange contradiction qui ait jamais été à la base de l’avenir d’une partie de l’humanité, voire de l’humanité tout entière ».