Atlas des Relations internationales
Parmi les ouvrages relatifs à la géopolitique qui ont été publiés depuis la rentrée, il en est un qui mérite d’être signalé sans tarder aux lecteurs de cette revue, puisqu’il peut nous permettre de naviguer plus sûrement dans l’actuel « désordre international ». Il s’agit en effet d’un atlas, comprenant donc des cartes, lesquelles sont très claires et intelligemment présentées, mais aussi des textes les commentant avec un grand souci pédagogique et beaucoup de données historiques ou statistiques, réunies sous forme d’encarts eux aussi fort clairement présentés. Le tout est l’œuvre d’une trentaine de chercheurs, qui y ont travaillé pendant trois ans sous la direction de Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris)
L’ouvrage appréhende notre monde actuel sous trois angles : historique, thématique et régional. La partie historique rappelle les différentes phases de la recherche d’un ordre international qui se sont déroulées depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Les thèmes abordés ensuite sont les suivants : les acteurs des relations internationales, c’est-à-dire d’abord, bien évidemment, les États, mais aussi le « système onusien », les organisations internationales intergouvernementales, les organisations internationales non gouvernementales ; puis les facteurs transnationaux que sont les Terrae incognitae (« États fermés », pays sans État, mégapoles), le terrorisme (y compris les « forces criminelles transnationales »), les religions, les diasporas et autres phénomènes migratoires, les trafics de la drogue, et plus classiquement les espaces culturels et les échanges commerciaux, mais aussi les « droits de l’homme » et ce qu’on appellera probablement bientôt, c’est nous qui l’ajoutons, les « droits de l’environnement ».
Les facteurs militaires des relations internationales sont bien entendu passés en revue avec une particulière attention. Pour ce qui découle du « fait nucléaire », c’est-à-dire les stratégies de dissuasion, la prolifération, la maîtrise des armements et le désarmement, ils sont traités par Pascal Boniface lui-même. On y retrouve donc les thèses qu’il a soutenues, avec la conviction qu’on lui connaît, dans son livre Vive la bombe et dans ses articles ultérieurs relatifs à l’arrêt des essais nucléaires et aux conséquences d’une éventuelle prolifération dans le « Sud ». Sont ensuite analysés, toujours sous forme de cartes, d’encarts et de textes les commentant, les autres facteurs de puissance que sont la maîtrise de l’Espace, la démographie, la force économique et la possession de matières premières, le tout aboutissant à un rappel, lui aussi schématisé, des principales théories relatives à la géopolitique. Dans le chapitre final de cette partie thématique, sont rappelés le cadre et le déroulement des principales crises qui ont marqué l’époque contemporaine, depuis le blocus de Berlin jusqu’à la guerre du Golfe.
Quant à la partie régionale de l’Atlas, elle traite pour commencer, comme il se doit, de la France, à qui « l’histoire a légué, sur le plan du prestige, un bilan globalement positif », veulent bien reconnaître les auteurs. Elle traite aussi du reste du monde, et, ce qui est plus « opératoire », des régions actuellement au cœur de nos préoccupations, parce qu’« en crise », comme l’Europe centrale, les Balkans et la « construction européenne », le Proche-Orient et le conflit israélo-arabe, le Maghreb et le Machrek, l’Afrique australe, la corne de l’Afrique, et, après les régions et pays d’Amérique et d’Asie, avec une mention particulière pour la Corée, sujet d’actualité avec la prolifération nucléaire dont on la soupçonne et qui y est évoquée, les principaux espaces maritimes, y compris les régions polaires. Toutes ces présentations sont assorties de précisions souvent oubliées, jusqu’à ce qu’elles redeviennent importantes. C’est ainsi que nous y avons découvert des commentaires concernant les problèmes des Paracels et des Spratley en mer de Chine du Sud, où nous pensions être un des rares Français à avoir fait escale – il y a bien longtemps –, ou encore les statuts controversés de Gibraltar, de Melilla et Ceuta, du golfe de Syrte, des eaux gréco-turques et des Détroits permettant l’accès à la mer Noire. On perçoit par ces exemples l’ampleur de la documentation fournie par cet Atlas et par suite sa valeur comme ouvrage de référence.
Profitons de l’occasion pour mentionner aussi, comme ayant la même qualité, deux ouvrages dus à François Thual qui a collaboré par ailleurs à l’Atlas. Il s’agit de deux petits dictionnaires de géopolitique, l’un à dominante historique et l’autre géographique, qui sont intitulés respectivement Géopolitique au quotidien et Mémento de géopolitique (1), et édités également dans la collection Dunod-Iris. Comme l’Atlas, ils nous permettent de mieux comprendre « la culture de l’autre », ce qui est particulièrement nécessaire pour nous situer dans le monde qui nous entoure, parsemé d’incertitudes et de risques, mais à la recherche d’une sécurité collective. ♦
(1) NDLR. Cet ouvrage a fait l’objet d’une note de lecture signée Pascal Boniface et publiée dans notre livraison de novembre 1993.