Histoire intérieure des États-Unis au XXe siècle
Le siècle américain prédit dès 1941 par Henry Luce, le magnat du groupe de presse Time-Life, ne durera peut-être pas tout ce temps, mais au moins il aura été préparé dès la fin du XIXe siècle. C’est le mérite des deux auteurs d’avoir éclairé les tendances de longue durée et brossé un tableau convaincant de l’évolution intérieure des États-Unis. Le récit débute en 1896, date clef, car elle voit la victoire du républicain McKinley, symbole du retournement qui s’est effectué dans l’opinion au détriment des « argentistes » représentés par le flamboyant Bryan. L’Amérique entre de plain-pied dans le XXe siècle. L’économie est résolument moderne (30 000 brevets sont déposés chaque année), c’est la fin de la conquête de l’Ouest (le massacre de Wounded Knee en 1890 est déjà loin), les républicains vont dominer la scène politique pendant une génération. L’Amérique voit s’amplifier les marées de l’immigration : entre 1900 et 1920, 14,5 millions de personnes entrent aux États-Unis, 1907 ayant constitué un maximum absolu (1,28 M). Du fait de la Grande Guerre, les États-Unis, de débiteurs, sont devenus créanciers… Ils le resteront jusqu’en 1985. Entre 1921 et 1929, avant la crise, la production industrielle double pratiquement. Le « modèle américain », symbolisé par la Ford T « Tin Lizzie » se répand. Il existe déjà une automobile pour cinq Américains contre une pour quarante-trois en Grande-Bretagne et en France.
Les républicains, après l’intermède de Wilson (1912-1920), retrouvent leur suprématie avec les présidences sans couleur de Harding et de Coolidge. L’Amérique commence à se figer : refus des évolutions dans l’éducation, refus des immigrants, aveuglement de la prohibition. La grande dépression s’abat sur elle comme un cataclysme. Apparaît celui qu’ils appellent joliment le « Docteur New Deal », Franklin Delano Roosevelt, qui va dominer la scène pendant plus de douze ans, période essentielle pour son pays et le monde (1932-1945). De ces années, date une « sorte de nouvelle naissance des États-Unis », qui connaissent des changements en profondeur. Ils n’auront que 405 000 tués dont moins de 300 000 au combat, chiffres dérisoires comparés à ceux des autres belligérants. La productivité s’est accrue de 25 % de 1939 à 1944. La guerre a provoqué d’inévitables tensions sociales (chocs dans les familles, turbulences syndicales, émeutes raciales).
Cependant, s’ouvre une période qui sera peut-être celle de l’âge d’or américain, de 1945 à 1957, symbolisée par la fermeté de Truman, la guerre de Corée, l’élection et la réélection de Eisenhower. Ce furent en effet de belles années. En 1955, encore, avec 6 % de la population mondiale, les Américains produisent 50 % des biens de la planète. C’est une société de classes moyennes qui émerge, qui s’adonne au culte de l’abondance, sinon du conformisme. Mais le pays tend à s’assoupir quelque peu. Il y aura le réveil de 1960 avec l’élection de John Kennedy, disparu prématurément en 1963. L’Amérique va s’enliser peu à peu au Vietnam. Ce sera entre 1965 et le 9 août 1974, date de la démission de Richard Nixon, une Amérique blessée, entre le cauchemar et les illusions. Assez curieusement, les auteurs intitulent leur dernier chapitre, qui va de 1974 à 1980, « L’Amérique comme pays ordinaire ? » Leur conclusion est volontairement mesurée, comme il sied à un manuel plutôt qu’à un ouvrage de réflexion. Mais sachons-leur gré d’avoir brossé un tableau d’ensemble fort complet, vivant et clair, d’un siècle d’histoire américaine. Une telle synthèse faisant défaut en français, voilà cette lacune heureusement comblée. ♦