Mes campagnes de mer sous Louis XIV
Philippe de Villette-Mursay est né sous le ministère de Richelieu, en 1632, en Poitou. Officier de terre pendant la guerre de Trente ans, il entre en 1672 dans la Marine royale quand éclate la guerre de Hollande, à la demande de Colbert qui vient d’être nommé par le roi secrétaire d’État chargé de la Marine (1669).
Dépourvu d’expérience militaire, mais bénéficiant de la bienveillance de Mme de Maintenon, sa cousine germaine, il est nommé directement capitaine de vaisseau à l’âge de 40 ans. En 1686, au lendemain de son abjuration (un an après la révocation de l’Édit de Nantes), il est promu chef d’escadre de Provence ; en 1689, il devient lieutenant-général des armées navales (l’équivalent de nos vice-amiraux d’escadre). Compagnon d’armes de Duquesne en Sicile (1676), il est second de Château-Renault au combat de Bantry (1689) et celui de Tourville à la victoire de Béveziers (1690) et à la bataille de Barfleur (1692). Il se distingue enfin en 1704, lors de sa 19e et dernière campagne, à la bataille de Velez-Malaga, sous les ordres du comte de Toulouse. Partageant ensuite son temps entre Paris et la cour, il meurt le 25 décembre 1707, à l’âge de 75 ans.
Les mémoires des 19 « campagnes de mer » de Villette-Mursay, qui couvrent la totalité des grandes batailles navales du règne de Louis XIV (guerre de Hollande de 1672 à 1678 ; guerre de la ligue d’Augsbourg de 1678 à 1697 ; début de la guerre de la Succession d’Espagne de 1697 à 1704), lui ont été demandés en 1702 par le comte de Toulouse pour servir d’« Histoire de la Marine » pour son époque. Ils constituent la partie centrale de l’ouvrage et témoignent, dans le style concis d’un journal de bord, de la vie rude et souvent héroïque des marins de Louis XIV. D’ailleurs, Villette, brillamment reconverti en marin, se défend d’avoir dépassé les aspects purement maritimes et militaires de ses « campagnes de mer ». Leur lecture est passionnante, mais elle gagne beaucoup à celle de la longue introduction consacrée à la biographie de Villette-Mursay et à la marine de son temps, ainsi qu’à celle du dictionnaire des personnages et des batailles qui l’accompagnent et dont Michel Vergé-Franceschi est l’auteur.
Pour situer les campagnes de Villette dans leur contexte politique, militaire, économique, et brosser de façon magistrale la fresque de la Marine de Louis XIV, il fallait un historien dont la connaissance intime des faits, la rigueur et la clarté d’expression, l’érudition fassent autorité. M. Vergé-Franceschi réunit toutes ces qualités et il nous apprend tout, dans son introduction sur les structures de la Marine française du XVIIe siècle, sur la carrière de Villette-Mursay et sur la guerre sur mer. Les innombrables questions sur l’unification des Marines du Ponant et du Levant, la restructuration complète du corps des officiers de la Marine, le classement des vaisseaux en rangs, le développement des services, la création des compagnies des gardes de la Marine, l’aménagement des infrastructures portuaires, l’accroissement des effectifs, la complémentarité de recrutement de marins d’origine et d’officiers de terre, le panachage des nobles et des roturiers, le rôle de la Marine dans la révocation de l’Édit de Nantes, etc. trouvent leur réponse dans l’introduction. Mais pour en savoir encore davantage sur les batailles et les personnages qui les ont animées, on se reportera au remarquable dictionnaire naval, inédit, et qui constitue une somme sur les marines française et étrangères du grand siècle.
Grâce à la contribution essentielle de M. Vergé-Franceschi, il est sans doute très peu de récits originaux dont la lecture soit enrichie par des compléments d’aussi grande qualité. ♦