De Staline à Gorbatchev – Histoire d’une république soviétique : l’Arménie
En février 1988, un véritable raz de marée humain envahit les rues d’Erevan, la capitale de l’Arménie, la plus petite des républiques soviétiques (29 800 kilomètres carrés, 3,5 millions d’habitants). Claire Mouradian y voit le « prélude » à une véritable révolution dans tout le « bloc socialiste », cette sorte de printemps des peuples maintes fois décrite depuis. Cette vision, quelque peu idéalisée, correspond-elle à la réalité ? L’auteur n’étaye guère son propos qui est tout autre.
En effet, il s’attache à décrire par le menu, l’histoire, la culture, l’économie, l’âme de cette république dépositaire d’une parcelle de la souveraineté nationale et où se trouve la moitié de la population arménienne du monde. Le réveil a été long. En effet, écrit fort justement l’auteur, « en dépit de son passé plurimillénaire, de son originalité culturelle, de l’existence d’une diaspora qui la singularise des autres peuples, l’histoire de la république d’Arménie est calquée sur celle de l’URSS… » Les Arméniens ont laissé le pouvoir récupérer pour sa politique extérieure leurs signes particuliers (le génocide de 1915, le contentieux avec la Turquie, la diaspora, l’Église nationale), dans la mesure où cela pouvait servir leur cause. Mais après la mort de Staline, peu à peu la question arménienne a été réactivée. En trois étapes, culturelle, écologique, irrédentiste, l’aspiration à la liberté a resurgi.
L’espoir est-il prometteur ? Claire Mouradian semble en douter. « L’Arménie est aujourd’hui isolée, menacée d’usure, d’effilochage démographique par l’émigration ou les déplacements de population. En effet, d’aucuns à Moscou envisageraient l’évacuation des quelque 123 000 Arméniens du Karabagh pour liquider le conflit territorial avec les Azéris. Mais si en Arménie l’indépendance est dans les cœurs et au bord des lèvres, elle n’est pas encore dans les têtes. C’est l’un des mérites de Claire Mouradian, chercheur au CNRS, de nous avoir restitué ces pans d’histoire et d’avoir illustré un des cas les plus cruciaux de l’Union Soviétique dont la réorganisation est désormais vitale, mais dont tout le monde presque redoute les conséquences. ♦