La guerre des pierres
« Comment se fait-il que, pendant l’Occupation, les petits Français n’aient jamais lancé une pierre sur un soldat allemand ? » Question pertinente.
Ce livre est d’abord un cri de colère devant le maquillage de la réalité de l’« intifada » par la majorité des médias. Le dossier est solide, les exemples nombreux, les cas cités scandaleux. N’étant pas présent sur le terrain, nous ne pouvons que rapporter les affirmations des auteurs, non sans une certaine compréhension, car il suffit que les hasards de la vie aient amené à faire partie un jour ou l’autre des « forces de l’ordre » d’un État démocratique pour imaginer les difficultés de Tsahal. Si les CRS de mai 1968 avaient été autant SS que la rime le voulait, il est probable que le Quartier latin aurait vite retrouvé son calme.
Lorsqu’ils sont journalistiques, les matraquages sont moins douloureux, mais deviennent perceptibles à la longue pour le téléspectateur moyen réduit à soupirer tant qu’une opportune ouverture de mur n’amène pas un changement de registre. Concernant cette guerre des pierres, si l’on en croit les faits décrits par dizaines, où la partialité atteint à l’acharnement et parfois au grotesque, des questions graves se posent : à l’époque où « un commando terroriste se compose de 2 terroristes et de 8 journalistes » et où les conflits sont gagnés ou perdus devant les écrans de télévision, les détenteurs du « quatrième pouvoir » sont-ils conscients de leur responsabilité ? Ne doivent-ils pas vérifier les informations autrement qu’auprès du barman de leur hôtel, afin de nous épargner de navrantes mises en scène du type Timisoara ?
La première moitié de l’ouvrage est ainsi consacrée à combattre l’entreprise de désinformation. L’autre partie va beaucoup plus loin qu’en Palestine. Elle dénonce la poursuite, du Vatican à l’ONU, des préjugés millénaires contre les Juifs et la constante nostalgie du pogrom. Il est plus difficile de suivre les auteurs dans cette généralisation. Si les Soviétiques se sont conduits en adversaires, si certaines officines de propagande ont dépassé les bornes, si la pratique du bouc émissaire est la tentation de tout gouvernement, si enfin la rumeur d’Orléans a pu se rattacher à d’antiques préjugés, il semble d’un autre côté que les sympathies occidentales n’ont pas manqué envers Israël et que nos sociétés modernes concèdent une place honorable au peuple élu dans des secteurs influents. Le raisonnement devient à notre avis plus passionnant et plus crédible par la mise en cause – tant parmi la diaspora qu’en Israël même – de certains Juifs qui se complaisent dans un « autodénigrement » suicidaire, dans la ligne de Simone Weil, dont la mémoire prend une volée de bois vert, et à l’étonnement de Ibrahim Souss, insensible à ce genre d’idéalisme masochiste.
Pour l’heure, pas question de baisser la garde, de tomber dans le piège d’un abandon du sionisme ou dans l’illusion d’un État pluraliste en présence de l’intransigeance de l’islam. Lâcher la Judée-Samarie, ce serait retrouver la vulnérabilité de la « taille de guêpe » et l’adversaire n’y verrait qu’une étape vers la solution finale n° 2. Et voici que vers la fin, après tant de pessimisme et d’amertume, les auteurs débouchent sur un message de concorde inattendu. Ils appellent de leurs vœux l’arrivée de successeurs de Fayçal et de Lawrence, capables de rejeter la haine, d’« assembler le puzzle » et de comprendre que « les Arabes possèdent un allié potentiel qu’ils croient un ennemi héréditaire ».
Ouvrage passionné, écrit à chaud, au risque de donner une impression de désordre foisonnant, à mi-chemin entre le reportage et la thèse. Il n’est pas question de demander à des auteurs animés d’une sainte fureur de nuancer leur expression et de perdre ainsi la vigueur de ce qui, pour eux, n’est pas un plaidoyer, mais bien une contre-attaque en règle. Pourtant, un texte aussi incisif mais plus court, plus rigoureusement construit, gagnerait peut-être en logique et finalement en efficacité. ♦