Les flux financiers qui échappent au contrôle des États sont devenus supérieurs aux budgets, voire aux PIB de certains pays, leur conférant désormais un poids macroéconomique et une dimension géopolitique. Ainsi, il ne paraît plus excessif d’affirmer que cette évolution constitue une véritable menace pour nos démocraties.
L’évolution des phénomènes criminels : un nouvel enjeu de défense ?
The Evolution of Criminal Phenomena: A New Issue for the Defense?
Financial flow that escapes the control of States has overcome budgets, as illustrated by the PIB of certain countries, which now imparts a macroeconomic weight and a geopolitical dimension. Thus, it no longer seems excessive to affirm that this evolution constitutes a real menace for our democracies.
Les flux financiers qui échappent aujourd’hui au contrôle des États sont devenus supérieurs aux budgets, voire aux PIB de certains pays, conférant à cet argent un poids macroéconomique et une dimension géopolitique. Au point que cette évolution constitue aujourd’hui une véritable menace pour nos démocraties, dont le fonctionnement, la cohésion et les moyens se trouvent fragilisés par des incitations à la fraude inédites dans l’Histoire. Car si la criminalité recherche l’argent plus que le pouvoir, les pratiques délictueuses confèrent de facto aux acteurs concernés un pouvoir désormais impressionnant.
L’ONU établit ainsi que le système financier mondial a permis de blanchir près de 1 600 milliards de dollars en 2009. Et la Commission européenne affirme de son côté que « la corruption coûte à elle seule 120 milliards d’euros par an à l’économie européenne, soit juste un peu moins que le budget annuel de l’Union ». Même si évaluer ces réalités clandestines s’avère forcément complexe, les spécialistes sont unanimes pour affirmer que les gains issus du crime organisé et des différentes formes d’« illégalisme » sont devenus aujourd’hui faramineux. Et cette mutation des phénomènes délictueux se traduit par un affaiblissement du pouvoir des États.
Comme ces évolutions ne concernent qu’indirectement la défense nationale, voir un militaire s’exprimer sur un tel sujet pourrait paraître incongru. Mais il se trouve que les armées sont régulièrement engagées dans des situations de crise qui auraient pu être évitées si leurs prémices avaient fait l’objet de plus d’attention. Ce qui leur donne sans doute une certaine sensibilité aux situations qui se dégradent à bas bruit. L’exemple mexicain illustre à la fois l’ampleur que peuvent prendre ces menaces et les limites d’un recours aux forces armées. Car de fait, celles-ci n’ont ni la vocation ni les moyens d’agir efficacement contre de tels fléaux. Par ailleurs, la défense nationale a depuis longtemps intégré dans ses réflexions les travers naturels que représentent notre goût pour les ennemis de confort, notre focalisation sur les menaces les plus visibles et notre tendance à nous représenter les périls comme toujours lointains. Or, le temps de l’aveuglement, c’est le temps de l’enracinement.
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