Pour les forces garantes de la défense nationale et de la sécurité internationale, l’enjeu des réseaux criminels naît bien en amont du champ de bataille et de la zone de conflit. Crimes et délits, propres aux systèmes criminels multiformes de longue date infiltrés dans nos sociétés, en déterminent chaque jour davantage le cours.
Enjeux stratégiques de la criminalité organisée : l’Occident perd contrôle
Strategic Stakes of Organized Crime: The West Loses Control
For the forces responsible for national defense and international security, the issue of criminal networks emerges well in the foreground of battlefields and conflict zones. Crimes and misdemeanors, specific to multiform criminal systems that have long infiltrated our societies, are more and more severely influencing the course of events every day.
Depuis la chute du mur de Berlin et l’explosion des moyens de communication, les grands réseaux criminels actifs sur la scène mondiale, cartels colombiens, mafias italienne et russe, triades chinoises et autres réseaux asiatiques collaborent entre eux. Dans les années qui viennent, les démocraties devront de plus en plus souvent défendre leurs valeurs et leurs structures face à des alliances entre guérillas, terrorisme et criminalité organisée, dans un environnement urbain souvent surpeuplé où les technologies seront à portée de tous. Telle est l’échelle de la menace.
Or, au moment où l’individu recourant aux technologies et moyens de communication, circule de plus en plus facilement à travers les frontières, la volonté politique accompagnait le mouvement en élargissant les libertés de circulation à des États exerçant un contrôle de plus en plus ténu sur leurs populations. Faut-il dès lors s’étonner de l’afflux de clandestins qui, depuis plus de vingt ans, débarquent sur les côtes d’Europe ? Pour en rythmer les routes et répondre aujourd’hui « à l’évolution de la demande », les réseaux criminels ont eu le temps de s’établir et de stabiliser leurs structures, indestructibles, mais flexibles, jusqu’au cœur de nos administrations (cf. M. Coen).
Dès le début du nouveau millénaire, la juge norvégienne Eva Joly attirait l’attention sur l’enjeu stratégique de la grande corruption. « Plusieurs témoins… ont raconté que les commissions allouées dans (le) secteur (de l’armement) atteignaient 20 % à 40 % […]. Lorsqu’un régime autoritaire s’effondre et que l’impunité de ses dirigeants se dissipe, la grande corruption remonte au grand jour : entre 4 et 10 milliards de dollars pour le Congolais Mobutu Sese Seko […] ; 5 à 10 milliards de dollars pour Saddam Hussein […]. À chaque fois nous voulons croire qu’il s’agit d’une folie individuelle […]. Cet argent n’est pas caché dans je ne sais quel établissement douteux de Nauru ou de Beyrouth […], la grande corruption se déroule à ciel ouvert, dans les établissements financiers les plus respectables. Elle prospère à la City de Londres ou à Zurich » (1). Et le magistrat italien Ferdinando Imposimato de poursuivre : « Avec la corruption, les organisations criminelles détournent les autorités politiques et administratives de l’intérêt collectif ».
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