Billet – Le retour de la dot
Un jeune lecteur se demandera ce que vient faire cette histoire de dot dans une revue sérieuse, peu réputée à s’intéresser aux mariages mondains. Il apprendra pourtant qu’autrefois, au temps de la guerre froide, on avait organisé une défense opérationnelle du territoire, une DOT. Alors que le corps de bataille s’employait à guerroyer à l’Est, l’armée devait assurer la défense en arrière du front grâce aux quelques unités restantes et autres réservistes mobilisés en masse : tous devaient défaire les commandos spetsnaz qu’on savait devoir effectuer les plus vilaines actions chez nous.
Or, les récentes décisions prises à la suite des attentats de janvier font penser à cette DOT : déploiement du plan Vigipirate à hauteur de 10 000 hommes, ralentissement de la déflation d’effectif, révision anticipée de la LPM pour pouvoir maintenir la mobilisation de 7 000 hommes sur le territoire national. Tout cela est bel et bon, et l’Armée de terre s’en satisfait sans nul doute, la corbeille de la mariée est fleurie.
Pourtant, un certain nombre de questions viennent à l’esprit. Quelle doctrine préside en effet à ce « contrat intérieur », selon l’expression jargonneuse des militaires ? 7 000 hommes déployés, fort bien, mais quels sont leurs objectifs tactiques ? Quelle coordination opérationnelle avec les autres forces de sécurité ? Prévoit-on que ces troupes manœuvreront ? Quelles sont les consignes d’ouverture du feu ? Au risque de paraître primitif, on rappellera qu’un soldat est un individu armé qui est entraîné pour agir dans des environnements chaotiques. Aujourd’hui, les factions des sentinelles sont plutôt paisibles mais les qualités opérationnelles seront-elles employées à juste escient en cas de problème ? Comment ?
Mais au-delà de cette doctrine d’action opérationnelle sur le territoire, une autre question se pose, celle de la continuité. Usuellement en effet, les commentateurs dénoncent la discontinuité entre la panoplie nucléaire et les forces conventionnelles. Désormais, une autre discontinuité apparaît, celle entre forces de l’intérieur et forces engagées à l’extérieur. Il se trouve pourtant, si j’ai bien entendu notre Premier ministre, que nous combattons sur les deux « fronts » le même ennemi, à savoir le jihadiste. Mais ce qui est possible à l’extérieur l’est-il pareillement à l’intérieur ? Est-ce la même doctrine opérationnelle ou en faut-il deux, et en ce cas comment les lier ?
Autant de questions difficiles que l’on trouve dans la corbeille de la mariée : les dots cachent souvent des surprises. ♦