La Bundeswehr, porteuse d’un héritage complexe, poursuit sa mutation dans un contexte contradictoire entre une opinion publique plutôt hostile aux interventions et une exigence internationale demandant à l’Allemagne d’être plus active militairement sur la scène internationale.
La Bundeswehr est-elle à mettre à la casse ?
Is the Bundeswehr to be scraped?
The Bundeswehr, carrier of a complicated heritage, continues its transformation in a contradictory context between a quite hostile public opinion against interventions and an international demand for Germany to be more active militarily on the international stage.
Cette interrogation a été posée fin septembre 2014 par le quotidien Bild, magazine populaire ayant la plus forte diffusion d’Europe occidentale. En effet, plusieurs polémiques ont éclaté depuis 2013 sur l’état de la défense allemande (1), insuffisamment entretenue et sujette à une répugnance pour le recours à la force, ce qui explique le format de la contribution allemande à la coalition contre Daech : formation et livraisons d’armes. Quand le Danemark, les Pays-Bas ou encore le Maroc envoyaient leurs avions bombarder des cibles terroristes, l’Allemagne passait son tour.
Les milieux pacifistes mettent en avant la priorité défensive (Wehr) de cette armée qui n’était pas censée renaître : la remilitarisation de l’Allemagne souhaitée par les États-Unis fut la source d’un conflit politique crucial. Porteuse d’un héritage fait de crimes de guerre innommables, pouvait-on ressusciter l’armée allemande ? Après l’échec de la CED (2), notre voisin essaya de créer une armée éthiquement irréprochable, aux missions bien déterminées et surtout étroitement contrôlée par le pouvoir législatif.
C’est cet héritage historique lourd fait d’un climat de méfiance, associé à des faillites internes, qui mettent la Bundeswehr face à ses contradictions. Des pressions internationales ont vu le jour, demandant que l’Allemagne tienne enfin son rang de grande puissance de la défense. L’armée allemande peut-elle réussir à se réformer et à devenir un partenaire sécuritaire crédible à jeu égal avec ses alliés traditionnels ? Alors qu’elle présente un budget à l’équilibre pour la première fois depuis 1969, l’Allemagne est-elle prête à consentir un effort financier et institutionnel pour muter vers une défense du XXIe siècle prête à prendre en main les différentes problématiques sécuritaires ? Notre cousin germain doit d’abord faire face à ces défis aux multiples facettes avant de pouvoir aborder de nouveaux challenges, à commencer par la question d’une défense européenne, l’un des grands leitmotivs de la pensée géostratégique allemande avec l’Otan.
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